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Les « indignés », indignés par les médias (2) : aux États-Unis

par Frédéric Lemaire,

Le mouvement d’occupation de Wall Street, débuté fin septembre, a rapidement pris de l’ampleur. Le 6 octobre, des campements ont vu le jour dans près de 146 villes états-uniennes. Ce mouvement s’est heurté au quasi-silence des grands médias américains, voire à la morgue et au mépris des plus conservateurs d’entre eux (et particulièrement de Fox News, du magnat Ruppert Murdoch). Comme en juin dernier en Espagne, comme on peut le lire ici même, la critique des médias s’inscrit au cœur du mouvement…

Black-out

(1) Face au silence médiatique (« black-out »), c’est une critique acerbe du rôle des grands médias (« Mainstream Media ») qui s’exprime, d’abord sur les pancartes de manifestants. Quelques exemples.

- « Ne faites pas confiance à l’industrie des médias »
- « Les médias ne disent rien sur ce qui se passe ici, alors je suis venu voir par moi-même »

« Silence médiatique sur la révolution globale. Tapez Occupy Wall Street et Occupy London Stock Exchange sur Google. C’est en train de se passer dans les villes du monde entier […] »

« N’importe quel dictateur admirerait l’uniformité et la soumission des médias des Etats-Unis »


(2) Les affiches, aussi… à commencer par celles proposées par la plateforme de mobilisation en ligne Occupy Together. Voici deux d’entre elles

« La révolution ne sera pas télévisée. Restez informés » / « Si vous ne savez pas ce qui est en train de se passer ou ce dont nous parlons, éteignez les infos (et connectez-vous au mouvement) »

Des visuels circulent sur les blogs et sur les réseaux sociaux, où CNN, The New York Times, ABC et Fox News sont particulièrement fustigés pour leur « black-out » :

Ne rien dire, ne rien voir :

Occupy Media

(1) Le « black-out » médiatique initial a rendu particulièrement précieux le développement de médias alternatifs, en ligne notamment. C’est le cas du Occupied Wall Street Journal. Un documentaire tourné par un collectif de réalisateurs de Brooklyn, revient sur le rôle joué par les médias indépendants dans le développement du mouvement (la bande annonce est disponible ici).

Outre le rôle des médias alternatifs, la critique des médias est loin d’être absente des préoccupations des activistes, comme en témoigne l’initiative « Occupy Mainstream Media » (« Occupons les médias dominants »). Nous reproduisons ici sa présentation [1] :

« Depuis les années 90, la concentration dans l’industrie des médias s’est accélérée de manière alarmante, contribuant à favoriser la mise en avant d’intérêts privés avant ceux de la population, à réduire la liberté d’expression et à menacer la démocratie.

Qu’est-il advenu du pluralisme ? De la liberté de la presse ? De la libre circulation des idées ?
Depuis que Bagdikian a publié le désormais classique « Monopole des médias », en 1997, le nombre de grandes entreprises de médias est passé de 50 à 6 en 2010.

Tout se passe comme si le champ des possibles était inéluctablement restreint, au profit d’un pseudo « consensus ». Le même phénomène, qui s’observe en Europe, Asie et ailleurs, est renforcé par le contrôle sur Internet, sur les fréquences hertziennes et les frontières – comme une mauvaise farce.

S’il vous semble que la démocratie, la diversité et la liberté de choix sont importantes, aidez-nous :

- à mettre à jour une carte de la concentration des médias aux Etats-Unis, en Europe, en Asie et ailleurs ;

- à faire les liens entre les membres des conseils d’administration, les intérêts des entreprises, les médias et politiciens ;

- à surveiller les biais dans le traitement médiatique et les pratiques non professionnelles ;

- à condamner les pratiques non citoyennes des médias (au lieu d’être au service des citoyens et d’enquêter sur les riches, les puissants, les politiciens) ;

- à combattre ces pratiques et faire avancer la démocratie.

Rejoignez nous ! Occupons les médias dominants ! »

« L’histoire, c’est nous. Les médias, c’est nous. »

(2) Les activistes d’Occupy Wall Street font flèche de tout bois, en reprenant à leur compte une iconographie critique et diverse sur le rôle et l’état de l’industrie des médias, qui circule par ailleurs largement au sein du mouvement social états-unien, ou ailleurs, dans d’autres mouvements d’« indignés ».

Par exemple, ce dessin qui reprend le slogan d’un label de musique (La Voix de son maître), livrant une critique du conformisme comme conséquence de la concentration dans l’industrie des médias.

Ou encore cette critique de l’information par imitation : la présentation du JT par un perroquet du nom de « Jim J’imite ».

Ou encore cette critique de la soumission à l’industrie des relations publiques et de la reprise des communiqués : « Attention, cet article n’est rien d’autre qu’un communiqué de presse, copié-collé  ».

Ici, c’est le rôle omniprésent des experts à gage dans les « panels de discussion » qui est pointé du doigt. Ici Nike, Walmart et General Motors, introduits par la présentatrice comme « experts » de la question du droit du travail :

La métaphore de la prostitution des médias permet de dénoncer la soumission des médias aux lobbies, comme dans cette caricature qui montre la « maison close des médias dominants » et ses prostituées aguichant les lobbyistes de l’industrie pharmaceutique, agroalimentaire et des sodas :

Et pour finir cette critique de l’industrie des médias sous forme d’une reprise parodique d’une affiche de guerre (« Vous écrivez ce qu’on vous dit d’écrire ! Merci, l’industrie de l’information, nous ne pourrions pas contrôler le peuple sans vous ») :



Frédéric Lemaire (avec Henri Maler et Julien Salingue)

 
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Notes

[1Plus d’information.

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