Accueil > Critiques > (...) > Les facéties d’Alexandre Adler

Les facéties d’Alexandre Adler (suite) : Récidives sur le Venezuela

par Mathias Reymond,

Dans le flot d’informations partiales et tronquées sur le Venezuela, les médias français font office de moutons, répétant et diffusant les nouvelles propagées par les médias privés vénézuéliens. Dans la multitude des chroniques et éditoriaux qui pullulent sur la question, ceux d’Alexandre Adler font office de modèles en terme de désinformation et de mépris de la «  plèbe  ».

Nous avions déjà relevé la diatribe d’Alexandre Adler contre Hugo Chavez lors de sa victoire au référendum d’août 2004 [1]. Toujours sur le devant de la scène où paradent les éditorialistes multicartes, Adler enchaîne erreurs et mensonges par omission à propos du Venezuela et de son président. Successivement, sur France Culture et dans les colonnes du Figaro.

Au micro de France Culture

Le 3 mars 2005, chroniqueur téléphonique à France Culture, Alexandre Adler, après avoir, quelques mois plus tôt, présenté Hugo Chavez comme un « Gorille bolivarien » [2], s’est assagi : le Président du Venezuela n’est plus qu’un « semi-dictateur » [3]. Inutile par conséquent de préciser qu’il fut démocratiquement élu en 1998, qu’il a gagné neuf scrutins successifs et surtout a remporté le référendum proposant sa révocation en août dernier (avec 59% des suffrages exprimés).

En revanche, notre éditorialiste matinal affirme, avec l’assurance qui lui vaut sa renommée universelle qu’Hugo Chavez « vient de passer une nouvelle frontière en inculpant et en incarcérant plusieurs de ses opposants les plus notoires comme l’ancien président social-démocrate : Carlos Andrés Pérez. » Un acte qu’il qualifie « d’arbitraire », en omettant de préciser ce qui est reproché à ces opposants.

S’agissant de M. Pérez, Alexandre Adler aurait pu rappeler à ses auditeurs qu’il est lié à plusieurs scandales de corruption. Il fut notamment destitué de la présidence de la République du Venezuela en 1993 et était poursuivi par la justice pour malversation financière aggravée. Il est aussi poursuivi pour avoir fait tirer sur la foule lors des révoltes contre les politiques du FMI (interventions qui causèrent la mort de plusieurs centaines de vénézuéliens en 1989) [4]. Peut être Alexandre Adler aurait-il pu indiquer que ce « social-démocrate » avait déclaré en juillet 2004 que « Chavez doit être abattu comme un chien » [5] et qu’il est si peu incarcéré... qu’il est aujourd’hui encore réfugié entre New-York et la République Dominicaine.

Autre motif d’indignation pour Adler : « Il [Hugo Chavez] vient maintenant d’obtenir du Costa Rica l’expulsion du principal syndicaliste, lui aussi social-démocrate qui avait organisé l’année dernière la grande grève du pétrole.  » Sans le nommer, il parle ici de Carlos Ortega, en effet impliqué dans les grèves du pétrole de 2002-2003, mais aussi, oubli étonnant de la part d’un expert de la notoriété d’Adler, accusé du sabotage d’installations pétrolières, pendant cette grève qui ressemblait à si méprendre à un lock-out patronal... Alexandre Adler, lui, innocente l’accusé avant tout jugement ! [6]

Dans les colonnes du Figaro

Quelques jours plus tard dans Le Figaro du 16 mars 2005, sans craindre le ridicule, Adler affirme, que Chavez a été « contraint à gagner un référendum qu’il espère de plus en plus clairement avoir été sa dernière confrontation avec le suffrage universel  ».

Ainsi Chavez aurait été « contraint à gagner » ! Derrière le procès d’intention présenté comme une information triomphe un raisonnement absurde qui fait tout le sel de la pensée adlérienne. On se demande en effet jusqu’où pourrait aller la perversité d’un « semi-dictateur » qui refuserait de se soumettre à nouveau au suffrage universel, alors qu’il a remporté jusqu’ici des victoires de plus en plus nettes ?

L’éditorialiste multicarte ne pouvant toujours pas accepter l’idée que Chavez ne soit pas un « semi-dictateur », assure que le président vénézuélien « est bien décidé à présent à acheter, à la Peron, le consentement des plèbes fiévreuses , et à écœurer, à la Castro, toutes les élites du pays qu’il verrait bien à terme doubler la population de Miami. » [7] [en gras : souligné par nous]

Doubler seulement ? Ou bien, il n’y a plus grand monde à Miami, ou bien - sans compter les riches vénézuéliens qui y résident déjà - les « élites du pays » doivent être presque aussi nombreuses que les « plèbes fiévreuses ».

Non seulement Alexandre Adler ment par omission, mais il ne sait plus compter !

Mathias Reymond

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

Notes

[2Le Figaro, 18 août 2004.

[3France Culture, 3 mars 2005.

[4sur ce massacre connu sous le nom de Caracazo, voir l’article de Frédéric Lévêque sur le site de RISAL : Le ’Caracazo’, c’était il y a 15 ans....

[5Il a également délaré : « Nous ne pouvons pas nous débarrasser de Chavez et vivre tout de suite en démocratie... Nous avons besoin d’une période de transition de deux ou trois ans, pour fonder un Etat dans lequel l’état de droit va prévaloir... Une junte doit gouverner durant cette transition et créer les bases démocratiques pour le futur  », El Nacional, 25 juillet 2004, cité sur le site de RISAL :Venezuela : Une dictature pour l’ère post-Chávez ?.

[6Carlos Ortega est l’un des principaux artisans du coup d’état d’avril 2002. Durant son exil au Costa Rica, suite aux grèves de 2002-2003, il n’a pas hésité à faire des appels pour renverser par la force le gouvernement vénézuélien.

[7Le Figaro, 16 mars 2005.

A la une