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Les correspondants, sinistrés de la presse (AICP, SNJ, SNJ-CGT, Sud Culture médias)

Un communiqué de l’Association interdépartementale des correspondants de presse (AICP), du SNJ, du SNJ-CGT et de Sud Culture médias, daté du 9 mars 2008, publié sur Blog du « [Collectif des correspondants locaux Ouest-France et Le Maine Libre »[accès périmé] (Acrimed)

La mutualisation des résultats aux élections municipales a déclenché une colère sans précédent des correspondants locaux de presse. Mémoire d’un journal, ils sont pourtant oubliés, ignorés dans leur commune ou leur canton par leurs employeurs, mais aussi par les salariés et les journalistes, lesquels se sentent « différents » ou, au mieux, compatissants. Pendant ce temps, les CLP ont vécu une lente dégradation de leur condition au cours de ces vingt dernières années, dans l’indifférence générale.

Conséquence, réunis mercredi 5 mars 2008 à Allonnes (72), les correspondants locaux de Ouest-France et du Maine- Libre ont créé l’Association interdépartementale des correspondants de presse (AICP), à laquelle ont adhéré les syndicats de journalistes le SNJ-CGT, Sud culture médias et le SNJ.

Au-delà de leur solidarité, ils joueront un rôle de soutien, d’intermédiaires, de médiateurs, de négociateurs… Signe d’un phénomène qui dépasse les frontières de la Sarthe, le président de l’Association des correspondants locaux de presse de l’Ouest s’est déplacé spécialement de Basse-Normandie en compagnie d’un autre membre. En s’inscrivant dans la liste des adhérents de la nouvelle association régionale, il inaugure un futur réseau plus développé.

« Au début, je gagnais de l’argent » résume un correspondant. « Aujourd’hui je suis au bord du gouffre. Nous ne sommes plus qu’une variable d’ajustement. » Le journal paie de moins en moins, les frais sont de plus en plus élevés (ordinateur, internet, voiture, appareil photo) et l’URSSAF absorbe une grosse partie des gains. « Si je veux cotiser à une caisse de retraite, il ne me reste plus rien. » Une nouvelle forme d’esclavage, masquée par de pseudo piges réduites à néant une fois les factures payées.

Ouest-France bat tous les records. Le point de rémunération s’élève à 0,99 € (kilomètres compris) en campagne et à 0,91 € en zone urbaine, sous prétexte qu’il y a moins de déplacements. Une photo légende vaut quatre points. « Un encouragement à ne pas se déplacer, puisque ça ne paie même pas l’essence. » Mais le délai de fraicheur peut également cacher un redoutable piège. Un papier de 60 lignes peut partir directement à la poubelle (rémunération= 0) ou être réduit à une légende à quatre points, sans que le secrétaire d’édition ne mesure les effets psychologiques ses actes.

« Globalement, c’est la négation du travail exigé par ailleurs sur le terrain, une dérégulation totale du travail, une installation sans état d’âme des gens dans la précarité. » On les traite comme des journalistes par intérêt, sans oublier de les maintenir dans un état chronique de Rmistes.

Le Maine Libre est comparativement privilégié, mais pour combien de temps ? Un article est payé entre 7 et 23 €uros selon son importance, photos et infos service 1,5 €. Les frais kilométriques sont remboursés 0,27 € le kilomètre jusqu’à 500 km et 0,13 au-delà, alors que les journalistes touchent 0, 372 €, comme si l’essence était plus chère pour eux. Si à Ouest-France ils n’existent plus, Le Maine Libre emploie encore des photographes correspondants. Ils touchent une pige journalière de 32 € pour un reportage à 54 € pour trois.

Les municipales aggravent leur état d’inégalité. Ceux du Maine Libre seront payé 30 €, qu’ils couvrent une ou trois communes. Ceux de Ouest-France se contenteront de 15 €, moitié moins. On avait juré promis aux correspondants du Maine Libre que leur mission se limiterait à collecter des résultats. On leur demande finalement d’ajouter des portraits photographiques des candidats, des déclarations, des échos… pour le même prix.

Le plus étonnant dans cette affaire, c’est que la presse régionale raconte régulièrement la misère humaine dans ses colonnes, sans voir celle qu’elle cautionne entre ses propres murs.

Alors, pourquoi un tel silence depuis des années ? Par peur ! Plus leur vie est précaire, moins les gens osent protester, par crainte de perdre le peu qui reste. A moins que le vase ne déborde à cause des municipales (ce que n’avaient pas imaginé les journaux), à moins que les journalistes ne sortent enfin de leur cocon pour leur tendre la main.

Les correspondants crient « stop ! » et exigent une négociation autour d’une liste de revendications transmises aux directions des deux journaux (la liste des revendications sera publiée ultérieurement). Si une rencontre n’a pas lieu dans les plus brefs délais, ils menacent très clairement de suspendre leur collaboration jusqu’à nouvel ordre.

- Association interdépartementale des correspondants de presse (AICP)
- Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT)
- Sud culture médias
- Syndicat national des journalistes (SNJ)

 
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