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Tribune

Les bonnes fées des médias

Nous publions ci-dessous, avec l’autorisation de son auteure et sous forme de tribune, un article de « L’intello du dessous », paru sur le site du même nom (Acrimed)

Réaction à l’article « Le petite caissière et son blog : un conte pour médias » par Nadine Floury, publié le vendredi 7 mars 2008 sur Acrimed.


Les médias (télé principalement) se rêvent en bonne fée, capable de faire sortir de la solitude de l’indifférence n’importe quel crève-la-faim. Et par là-même, incapables de comprendre qu’on souhaite porter une parole, non pour s’en sortir soi-même, mais pour faire avancer la situation de tout un groupe dont on se sent solidaire.

Génération Précaire s’est beaucoup cogné à ce désir des médias de faire des stars de quelques jours. Notre refus d’avoir un porte parole désigné comme tel, notre refus de nous montrer à visage découvert – qui avait pour but que notre voix soit celle de tous les stagiaires anonymes qui n’osent même pas demander une vraie carte de cantine puisqu’ils n’ont pas de statut- était une remise en cause de leur façon de fonctionner.

Impossible de faire une émission télé sans qu’on nous demande, personnellement, de donner notre situation personnelle. Pas moyen d’obtenir un article sans qu’on nous demande les coordonnées d’un stagiaire, si possible très précaire, un bon sujet vendeur qui fasse sursauter la ménagère de moins de 50 ans devant sa télé et pleurer sur son sort dans les chaumières.

Chaque refus d’enlever le masque blanc ou de donner son nom de famille se confrontait à une incompréhension totale : « comment, vous ne voulez pas de votre quart d’heure de gloire ? Vous ne voulez pas profiter de votre situation pour vous faire connaitre personnellement ? ». Incompréhension et certain mépris pour ces pauvres idéalistes qui passaient peut-être à côté de l’occasion d’être remarqués. Or sortir les porte-paroles de la situation difficile qu’ils dénoncent n’est qu’un autre moyen d’affaiblir la lutte collective. Donner un destin individuel au porte-parole d’une cause collective, c’est le couper de ses compagnons de lutte en lui donnant une situation à part.

Le processus est d’ailleurs parfaitement intégré. Je suis surprise de voir le nombre de gens qui ne me demandent que si les initiateurs de Génération Précaire ont une bonne situation aujourd’hui, et s’étonnent quand je leur dis que ce n’est pas le cas de tous. Comme s’ils avaient forcément dû être sauvés par la médiatisation. Comme s’ils avaient forcément du tirer parti à titre personnel de leur lutte. « C’est normal, c’est humain, et d’ailleurs n’importe qui en aurait profité pour arranger sa situation individuelle avant tout », me dit-on.

Publier un livre, ce n’est pas se sortir de la précarité. Mais pour les médias, sortir de l’anonymat c’est s’en sortir. On ne se nourrit pas de quelques articles. Au contraire, on peut aussi payer le prix de celui qui a osé dénoncer ce que personne ne voulait entendre. Les représentants du personnel sont protégés dans l’entreprise, pas lorsqu’ils ne sont pas
encore dans le sas d’entrée.

L’intello du dessous, membre de Génération Précaire depuis octobre 2005.

 
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