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Les DNA, le Livret A et l’économie

par Stanislas,

Dans son éditorial du 22 juillet 2003 sobrement intitulé « Livret A : le poids du mythe », Alain Howiller nous assène une leçon de libéralisme bien sentie...

« Le gouvernement a donc tranché : la rémunération du Livret A, géré par les caisses d’épargne et la poste [au fait : pourquoi ne pas mettre de majuscules ?] va être ramenée de 3 à 2,25 %, le rémunération di Livret d’Epargne Populaire restant à 4,25 %. » Entrée en matière presque martiale (« le gouvernement a tranché... ») pour un papier qui se veut définitif sur le sujet.
« On a essayé de trouver un compromis, mais il n’aura pas fallu moins de trois ministres lors de la conférence de presse tenue hier en début d’après-midi [...] ! Cette mobilisation ministérielle illustre, si besoin en était, combien les gouvernements redoutent des mesures chargées d ’émotions. »
Le ton est donné : une « mobilisation ministérielle », rien que ça ! Gouverner, c’est donc affronter le peuple ?

Ainsi « les gouvernements redoutent des mesures chargées d’émotions ». A relire trois fois... Qu’est-ce qu’une « mesure chargée d’émotions » ? Mystère et misère de la rhétorique ! On hésite. « Une mesure chargée d’émotions gouvernementales » ? L’expression en elle même n’a guère de sens. Et ce serait
avouer que les mesures gouvernementales sont dictées par l’émotion, et non par l’intérêt général tel qu’il se dégage après mûre réflexion. C’est libéralement impossible ! « Une mesure chargée d’émotions populaires » ? L’expression n’a guère de sens non plus. Mais après la leçon infligée au
Peuple sur le référendum local par le même Alain Howiller (Lire : Les Dernière Nouvelles d’Alasace et le « bon usage du référendum »), aucun doute n’est permis : le Peuple va réagir de manière émotive, c’est-à-dire irrationnelle, et il s’agit de lui en imposer pour lui faire accepter lesdites mesures

Intéressons-nous à la suite du papier : « La rémunération du Livret A fait, en effet, partie de ces mythes populaires dont les médias comme l’opinion se pourlèchent les babines. » Un mythe ? Populaire de surcroît ? Quelle horreur ! Un commentaire supplémentaire semble inutile... Pas tout à fait : là aussi, tout est fait pour renvoyer le Peuple à son irrationnelle versatilité, à son irresponsabilité rédhibitoire.

« [Pourtant, les mesures adoptées attendues depuis longtemps [par qui ?] [...] reflètent une situation du marché[...]. En essayant de prêter au-delà du taux du marché, le système ne pouvait que se condamner même si la rémunération prenait, du fait de son niveau, des allures de complément de ressources pour ceux qui plaçaient leur argent à l’Ecureuil ou à la Poste [tiens : une majuscule !] »
Nous y voilà ! A nouveau est asséné l’« inéluctable », l’autonomie de l’économique sur le politique. L’économie décide seule, et la politique doit servilement s’adapter ; on ne fait pas d’omelettes sans casser des oeufs ! D’où cette interrogation de pure forme : « Le budget de l’Etat pouvait-il compenser la différence ?  » Poser la question, c’est y répondre...

Poursuivons, c’est loin d’être fini : « Ceux qui avancent cette théorie [...] oublient un peu vite que Lionel Jospin avait dû ramener la rémunération du Livret A de 3 à 2,25 % en août 1999 avant de pouvoir la porter à 3 % en juillet 2000. » « Avait dû », « pouvoir » : une fois de plus le dogme libéral d’airain, qui prétend que la politique doit d’effacer derrière l’économie. Cela en deviendrait lassant si cela n’était pas scandaleux...

On savourera sans autre commentaire la grandiose phrase suivante de l’article de notre dévoué économiste : « L’économie écoutée aux portes de la légende, c’est l’Histoire écrite sur le sable.  » Fichtre !

« Francis Mer a essayé de limiter l’impact politique des mesures annoncées : les réactions enregistrées ont montré que cet espoir étaient vain. » Peuple ingrat !
« Il n’en demeure pas moins que si mes mesures annoncées ne créent pas de surprise réelle, il n’est pas certain que l’impact attendu soit aussi fort qu’espéré. »
Alain Howiller se serait-il trahi ? En nous disant qu’ a contrario ces fameuses mesures ne se justifient (même selon lui) pas nécessairement, il nous indique indirectement qu’elles ne sont dictées en fait que par une idéologie libérale des plus obstinées.

Douterait-il même un petit peu du bien fondé des théories libérales ? « [...] Les Livrets A, en attirant moins d’argent, conduisent les épargnants à investir dans la consommation. Un moyen de soutenir une économie qui flageole. » La consommation, moteur de l’économie ? Attention, M. Howiller, l’hérésie keynésienne vous guette. Heureusement, pas un mot sur le fait que les Livrets A concernent des « petits » épargnants, et qu’on se garde bien par ailleurs de taxer convenablement les revenus du capital, par exemple. Nous voilà rassurés...

Stanislas

 
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