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Le sondage estival et présidentiel qui relance Le Figaro

par Olivier Poche,

Difficile de remplir des colonnes un lendemain de 14 juillet, au sortir du défilé militaire, du bal des pompiers et du feu d’artifice. Une recette parmi d’autres : la reprise du dernier et énième sondage d’intention de vote pour 2012, agrémenté d’un titre bien frappé à la « Une », le tout servi à grand renfort de truismes et d’ analyses de comptoir.

Le 15 juillet, Le Figaro revient donc sur un sondage CSA publié la veille, selon lequel « le chef de l’État serait en tête du premier tour » de l’élection présidentielle. On devine l’enthousiasme du Figaro qui propulse aussitôt « l’information » à la Une de son quotidien papier, sous un titre fantastique : « Le sondage qui relance Sarkozy ».

Les sondages, vus du Figaro et de ses confrères, sont d’une puissance peu commune. Le meilleur comme le pire serait à leur portée. Selon les sondomaniaques du quotidien de Serge Dassault, un sondage, ça vous bloque un candidat ou ça le relance… Surtout quand ce sondage ne porte que sur le premier tour : l’enthousiasme du Figaro nous a privés du second !

Pour célébrer la fête nationale, dès le 14 juillet, deux articles - pas moins - étaient déjà disponibles sur le site du figaro.fr (avant d’être publiés dans l’édition papier du 15). Leurs titres ? « 2012 : le jeu s’équilibre entre Sarkozy et les socialistes » et « Présidentielle : rien n’est joué selon les sondeurs ».

 Le premier titre et le premier article entérinent les « résultats » du sondage pour en conclure à peu près n’importe quoi, non sans avoir pris soin de recueillir, auprès de la meilleure source, des réactions élyséennes empreintes d’une sage prudence : « Nous ne sommes pas plus euphoriques quand les sondages montent que déprimés quand ils descendent », jure Franck Louvrier.

Le sondage n’est pour les auteurs de l’article qu’un prétexte pour saluer une bonne nouvelle pour Nicolas Sarkozy. Et pour gloser sur ce que le sondage qui ne dit pas grand-chose ne dit pas du tout. D’abord que « ce sont aussi les traits d’image du chef de l’État, mesurés régulièrement par l’Élysée, qui se sont redressés ces derniers temps ». Ensuite, que les socialistes « s’attendent à une campagne dure, quel que soit leur candidat ». À l’appui, quelques réactions desdits candidats qui ne concernent d’ailleurs pas le sondage mais la primaire, et le premier article est bouclé, ayant brillamment fait son office : proposer une « analyse politique » parfaitement vide de sens mais remplissant sa place.

 Par mesure de sécurité, un second article lui a été adjoint, qui le complète utilement : après l’analyse des journalistes politiques maison, on interroge « les sondeurs ». Pour enfoncer des portes ouvertes, rien ne vaut leur avis. Et ils sont unanimes : « Rien n’est joué pour la présidentielle », comme le proclame le titre. Et comme le confirme le chapeau : « À neuf mois de l’élection présidentielle, les sondeurs considèrent tous que les jeux sont très ouverts ».

Pour étoffer ces évidences et leur apporter une caution pseudo-scientifique, la journaliste n’a donc pas hésité à déranger quelques éminences sondagières pendant leur sieste estivale. Le résultat est ébouriffant : «  "Nous sommes dans la photographie de l’opinion. Pas encore dans le pronostic", analyse Jérôme Fourquet ». « Analyse » ! Roland Cayrol, lui, nous gratifie de cet axiome visionnaire : « Dans une présidentielle, l’opinion peut bouger considérablement ». Bref : on ne sait pas et on tient à le faire savoir grâce à une « photographie » de ce que l’on ignore. D’ailleurs, comme le précisait le premier article, « la moitié des électeurs n’a pas encore fait son choix ».

Prudence chez les conseillers de l’Élysée, prudence chez les sondeurs… mais qui savent, les uns et les autres, comment raisonnent les électeurs potentiels. Ils comparent, voyez-vous. Ce qui nous vaut une troublante coïncidence des énoncés pour annoncer cette bouleversante nouvelle : «  "Avec ces primaires, ils raisonnent davantage en relatif et moins en absolu", explique Jérôme Sainte-Marie, directeur général adjoint de CSA », peut-on lire dans l’article dédiés aux sondologues. « On entre dans la période où il [Nicolas Sarkozy] va être jugé en valeur relative, et non en valeur absolue », se félicite un conseiller [du président]  », rapporte l’article des sondomaniaques.

C’est tout ? C’est tout !

Olivier Poche (avec Henri Maler)

 
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