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Intermittents du spectacle

Le Monde, quotidien social intermittent ?

par Henri Maler,

Dans un éditorial que tout lecteur du quotidien de référence pourrait trouver étonnant, Le Monde daté du 1er juillet 2003 dénonce l’accord sur l’indemnisation des intermittents du spectacle conclu entre le Medef et trois organisations syndicales.

Cela commence, de façon fort équivoque, par une défense des spectateurs, suivie de celle des artistes qui ont préparé les festivals de l’été.

« Les festivals de l’été sont perturbés, tantôt suspendus, parfois annulés. Les spectateurs sont pénalisés. Les milliers d’artistes qui les ont préparés, souvent très longtemps à l’avance, le sont aussi. L’une des meilleures images de marque de la France - la vivacité de sa culture, sa création, sa diversité - est gravement menacée. Elle l’est dans l’immédiat mais elle l’est aussi pour l’avenir : toute l’économie des spectacles vivants est à repenser. Le théâtre, la danse, la musique, les expositions, qui ont su ces dernières années trouver un très large public, pourraient voir leur existence remise en cause. »

Rien n’indique, à cette étape, quels sont les responsables de la situation ainsi créée. Rien non plus qui implique un soutien aux objectifs poursuivis et aux formes d’actions choisies par les intermittents du spectacle.

Suivent alors deux paragraphes de rappels, dont on peu extraire le constat suivant sur l’accord signé avec le Medef : « Il [le « compromis »] améliore les indemnisations de certaines catégories, mais, volontairement, durcit les conditions d’accès et limite l’argent versé, afin d’encourager les bénéficiaires à rechercher du travail. Pour la CGT, nettement majoritaire, cet accord met en péril les intermittents. Selon ses calculs, environ 30 % des bénéficiaires actuels de ce système risquent d’en être, de fait, exclus. Parmi eux, nombre de personnes travaillant dans les secteurs culturels les plus fragiles, comme le spectacle vivant. »

Vient alors la surprise : le soutien que Le Monde accorde à la CGT :

« La CGT a raison de dénoncer cet accord qui ne dit rien du mal qui ronge le système et qui le détruit : les abus et les fraudes de toutes sortes. Trop de grandes sociétés audiovisuelles publiques et privées, trop de grandes sociétés de production, trop de grandes institutions culturelles comme l’Opéra de Paris ont organisé leurs budgets en tirant toutes les meilleures ficelles du généreux statut. Echappant ainsi aux contraintes des contrats à durée déterminée, elles contribuent à creuser profondément le déficit du système, sans être vraiment inquiétées par les dispositions de l’accord du 27 juin. Le premier de ces bénéficiaires clandestins est, on l’aura compris, l’Etat. Démuni, il trouve là un moyen détourné de faire vivre ses télévisions ou ses établissements culturels aux frais de l’Unedic. Il faut que l’Etat cesse de montrer le mauvais exemple. Il faut une réforme qui remette à plat le régime afin de revenir aux sources : aider la création. »

Ainsi « LA » réforme n’est pas toujours une bonne réforme. Ce sont les grévistes et les manifestants opposés à la contre-réforme des retraites qui vont être ravis !

Ainsi la question de intermittents du spectacle ne peut pas être isolée de l’ensemble de la politique culturelle. Ce sont les grévistes et les manifestants contre la réforme des retraites qui n’ont cessé de répéter que la question des retraites ne pouvait pas être isolée des problèmes plus généraux de l’emploi et de la répartition des richesses qui vont être ébahis !

Mais ne boudons pas notre plaisir : Le Monde donne raison à la CGT et, à travers elle, à toutes celles et à tous eux qui dénoncent le « compromis » entre le Medef et certaines organisations syndicales.

Gageons que Le Monde ne va pas s’arrêter en si bon chemin et nous fera bientôt savoir ce qu’il propose pour soutenir la culture et soustraire l’audiovisuel à la logique marchande que certain quotidien du soir soutient régulièrement.

A moins qu’il ne s’agisse, en matière sociale, que d’une exception culturelle…

 
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