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Le Monde en guerre : (3) Une guerre juridiquement fondée ?

Paru dans la revue "Variations", n° 1, premier trimestre 2001, éditions Syllepses.
par Henri Maler,

Une fois la guerre commencée, Le Monde évacue le problème de la légalité juridique de l’intervention.

L’éditorial du 25 mars - Un tournant historique - se borne à constater ceci : " Pour la première fois en cinquante ans d’existence - anniversaire qui sera célébré le 4 avril -, l’OTAN entre en guerre contre un pays souverain. Elle le fait sans autorisation explicite de l’ONU. " (souligné par moi. H.M.).

Existe-t-il au moins - ce qui serait juridiquement étrange - une autorisation implicite ? C’est ce que Claire Tréan ne craint pas d’affirmer [1]. Après avoir rappelé que la résolution 1199 du 23 septembre 1998 a été votée à l’initiative des diplomates français, notre journaliste-diplomate écrit : " La résolution énonce les obligations imposées à Belgrade (cessez-le-feu, fin des agressions contre les civils, retrait des unités spéciales, ouverture d’un dialogue politique avec la communauté albanaise) et, dans son article 16, stipule que le Conseil de sécurité "décide, au cas où les mesures concrètes exigées ne seraient pas prises, d’examiner une action ultérieure et des mesures additionnelles pour maintenir ou rétablir la paix ". La résolution 1203 du 24 octobre entérine l’accord conclu par Richard Holbrook avec M. Milosevic et fait ainsi des engagements qu’il contient (retrait d’une large partie des forces serbes du Kosovo, ouverture de négociations, etc.) des obligations internationales. (...) Ces deux résolutions ont en outre été adoptées dans le cadre du chapitre VII de la charte des Nations unies, c’est-à-dire celui qu’autorise le recours à la force. Certes, en toute rigueur, le passage à l’acte (à ces "mesures additionnelles" dont parle la résolution 1199) aurait supposé une nouvelle réunion du Conseil de sécurité pour mandater formellement l’OTAN d’une mission coercitive. Mais chacun savait bien qu’on ne pouvait pas emmener les Russes aussi loin. ". " En toute rigueur ", il n’existe donc pas de bases juridiques aux bombardements de l’OTAN. Pourtant, le titre de l’article (que l’on doit peut-être à un secrétaire de rédaction...) affirme, sans vergogne, que " Les résolutions de l’ONU donnent une base légale à l’intervention ".

Cette interprétation désinvolte de la politique du fait accompli permet à la fois de relativiser le recours à l’OTAN comme structure spécifique et le recours à la guerre comme moyen politique. Elle permet de passer sous silence le mépris affiché par les Etats-Unis pour le droit international depuis de longues années et au moment même où de nouveaux bombardements sont décidés contre l’Irak. Et ce silence permet, à son tour, de présenter la guerre comme la conséquence d’une politique essentiellement européenne.


(1) Une information solidement explicative ? / (2) Une diplomatie purement dissuasive ? / (3) Une guerre juridiquement fondée ? / (4) Une guerre essentiellement européenne ? / (5) Une guerre essentiellement humanitaire ? / (6) Une guerre politiquement ciblée ? / (7) Une guerre strictement préventive ? / (8) Une guerre militairement ciblée ? / (9) Qu’est-ce qu’un journal de référence ?

(octobre 1999, complété en juin 2000)


 
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Notes

[1Le Monde du 28-29 mars 1999, p. 6

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