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L’insupportable mépris des patrons du secteur des médias (SNJ)

Nous publions ci-dessous un communiqué du SNJ daté du 9 juillet 2008 (Acrimed).

La casse sociale bat son plein ! Encouragés par une politique dont les objectifs clairement affichés ont pour nom déréglementation et remise en cause des acquis sociaux, les patrons du secteur des médias ne se gênent plus. Ils ferment ostensiblement la porte au dialogue social, renient ouvertement leur parole et s’assoient sans complexe sur les textes légaux. Trois exemples pour s’en convaincre.

Concernant le droit d’auteur des journalistes, une réflexion commune entre auteurs et éditeurs a été engagée dès la fin 2005, pour tenter d’anticiper sur une réforme législative que la révolution numérique rendait à terme inéluctable. Plus de deux années de travail, marquées de rencontres régulières, ont permis de finaliser un texte susceptible de trouver un consensus au sein de la profession. Plusieurs syndicats de journalistes et groupements d’éditeurs ont déjà donné leur aval. Faisant fi de cette recherche commune, quelques patrons de presse ont réussi à convaincre trois sénateurs de déposer, dans le cadre de la discussion du projet de loi sur la modernisation de l’économie, un amendement « urgent » qui vise à anéantir le droit d’auteur des journalistes et, par là même, torpille le consensus qui était tout près d’être trouvé. La profession jugera !

Concernant la formation des pigistes, la loi de 2004, instaurant notamment le DIF, n’est toujours pas appliquée à ces salariés. Des règles tenant compte de la particularité de la rémunération à la pige ont pourtant été définies paritairement après, là aussi, plus de deux ans de négociation. Le dispositif est donc prêt… sur le papier. Si cinq syndicats de journalistes ont en effet paraphé l’accord final, la partie patronale, qui reconnaît être d’accord sur le contenu, refuse toujours de faire de même. Elle conditionne sa propre signature à la conclusion d’un second accord sur les autres droits des pigistes, dont certaines dispositions sont en deçà des textes en vigueur. Pour sortir de l’impasse, une commission mixte paritaire a été mise en place sur décision du ministre du Travail. Dans cette instance, répondant aux objections des syndicats, le porte-parole de la partie patronale a été tout à fait clair devant le représentant du ministère : « Nous ne pouvons pas accepter des dispositions qui imposeraient à l’ensemble de la branche de respecter la convention collective. » Sans commentaire !

Concernant enfin la déontologie, maillon fondamental de la qualité de l’information qui, seule, peut rendre leur crédibilité aux médias t contribuer à les faire sortir durablement de la crise que connaît le secteur de l’information, le silence patronal est assourdissant. A maintes reprises, les syndicats ont proposé que les chartes des droits et des devoirs des journalistes (SNJ 1918/38 et Munich 1971) soient annexées à notre convention collective. En 2007, une nouvelle tentative a été faite, sous la forme d’un courrier adressé à toutes les organisations patronales de presse écrite, demandant l’ouverture d’une négociation sur ce thème. Une seule a répondu verbalement. Les autres n’ont même pas eu la correction d’accuser réception de notre lettre !

Pour le SNJ, syndicat ultra-majoritaire chez les journalistes, le mépris affiché par les patrons des médias et leurs organisations professionnelles pour tout ce qui touche au dialogue social, au respect même des dispositions qui ont été bâties paritairement, et à toute considération mettant l’information au-dessus des lois du marché, a franchi la limite du supportable.

Ceci est d’autant plus grave que les enjeux auxquels le secteur de l’information est confronté (crise de la presse écrite, perte de crédibilité auprès de l’opinion, révolution numérique…) appellent au contraire une réponse qui passe par une mobilisation de tous les savoir-faire, une adhésion de l’ensemble des salariés, un dialogue constructif et un climat social apaisé. Au lieu de cela, les entreprises dénoncent les accords signés, stérilisent les négociations, remettent en cause les acquis, poussent les personnels les plus expérimentés vers la sortie, exploitent et découragent les jeunes, bradent les contenus des journaux au plus offrant ou au mieux communicant. Un comportement mortifère pour la presse et pour les journalistes.

Selon le SNJ, la sortie de cette spirale du moins-disant social, doublé d’un moins-disant éditorial, doit être le thème central d’états généraux dignes de ce nom.


Paris, le 9 juillet 2008

 
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