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L’actualité des médias n°70 (11 mai-9 août 2009)

par Denis Perais, William Salama,

La presse écrite a-t-elle un avenir ? - L’été, bonne saison pour licencier. - La grève et le mépris à RFI - Concentrations en vue dans la télévision

I. Presse écrite

1. Recul de la presse écrite

 La presse écrite n’a plus d’avenir décide Murdoch. Le magnat expose à Fox News, qu’il possède, sa vision du business : « 10 à 15 ans pour que les lecteurs abandonnent complètement le papier [...] au lieu d’un journal imprimé sur papier, on pourra l’avoir sur des supports mobiles qui capteront l’intégralité du contenu du journal par les airs et seront mis à jour toutes les heures ou toutes les deux heures  » (CB Newsletter, 2 juin). » [1]. Dès lors, il souhaiterait « appliquer à Internet ce qui a fait sa fortune en télévision : un péage. La révolution numérique a apporté de nombreuses et peu coûteuses méthodes de distribution des contenus, mais cela n’a pas rendu le contenu gratuit  » relaie Le Figaro du 7 août.

 Incidences du recul de la presse écrite. « Le chiffre d’affaires de la presse écrite a reculé de 2,3%, à 10,6 milliards d’euros en 2008, en ligne avec les évolutions des années précédentes, selon l’étude annuelle de la Direction du développement des médias (DDM) » (LesEchos.fr, reprenant l’AFP, 6 août 2009). Nos quotidiens nationaux sont les plus touchés. Conséquence : « les ouvriers du Livre demandent notamment que les négociations sur un "nouveau contrat social" dans les imprimeries actuellement en cours avec le Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) ne se résument pas à un " énième plan de départs " et portent sur les salaires, les formations et les qualifications » (CB Newsletter, 11 juin).

2. Presse quotidienne

 Moins de parutions, la cautère sur jambe de bois ? Libération a décidé de limiter ses jours de sorties : « tellement de kiosques sont fermés que pour nous c’est une opération vraiment très coûteuse de sortir un journal », déclare François Sergent, directeur adjoint de la rédaction. » (CB Newsletter, 11 mai). Une décision qui n’est pas une première puisque « Le Figaro avait annoncé mercredi 6 mai qu’il ne paraîtrait plus les 15 août, 25 décembre et 1er janvier par mesure d’économie »(Ibid).

  Libération touche des fonds. Pierre Bergé est entré au capital de Libération « avec 500 000 € d’apport [quand] Edouard de Rothschild a remis environ 1 M€ au pot, tandis que l’exécuteur testamentaire de Carlo Caracciolo, décédé en décembre dernier, a remis environ 900 000 €. » (CB Newsletter, 8 juin 2009).

  Le Monde se déleste. Après Danser et Les Cahiers du Cinéma et du réseau de librairie La Procure, le groupe de presse a vendu sa branche jeunesse (Fleurus Presse et Junior Hebdo) à un fonds d’investissement californien OpenGate Capital qui se définit comme « société de financement par capitaux propres opportuniste ». Ça ne s’invente pas… (AFP, 5 juin 2009)

 Un nouveau président à la Société des rédacteurs du Monde . Gilles Van Kote passe de vice à président. Son objectif est ambitieux : « la recapitalisation du Monde, qui […] serait la priorité de son mandat. "L’idée c’est à la fois de préserver l’indépendance du Monde et d’éviter qu’il y ait une prise de participation majoritaire  » (CB Newsletter, 18 juin). Rappel : le groupe quotidien est déjà aux mains de Lagardère et du groupe espagnol Prisa [2].

  L’Humanité a encore besoin d’argent. Le quotidien dont l’existence est toujours menacée lance une nouvelle souscription « auprès de ses lecteurs [et] à la faveur d’une disposition issue des états généraux de la presse permettant aux lecteurs de faire des dons défiscalisés aux journaux [...] » (CB Newsletter, 19 juin).

 Quotidiens sportifs : succès du puissant contre-feu Amaury. Le Groupe Amaury a officialisé l’arrêt de son quotidien sportif à bas prix, Aujourd’hui Sport, lancé en novembre 2008 [...] dont l’objectif premier et avoué « était dégainer le 10 Sport lancé au même moment par Michel Moulin » (CB Newsletter, 26 juin). Il informait aussi.

3. Presse régionale

 Hersant s’accroche à ses positions. À la fin du mois de juin, GHM qui avait introduit un recours contre le Crédit mutuel pour le contrôle du Groupe L’Est Républicain, s’est vu conforté par une nouvelle décision de justice en sa faveur :« La Cour d’appel de Nancy a confirmé l’annulation des délibérations prises lors de l’assemblée générale de l’Est républicain (ER) du 27 juin 2008 qui avait abouti à la prise de contrôle du groupe Ebra par le Crédit mutuel […] avec pour conséquence de ramener[…] la part d’Hersant de 27% à 17%, le dépossédant de sa minorité de blocage[et de le priver du]respect d’un protocole d’actionnaires de 1997 qui consentait au groupes Hersant et Lignac un droit de préemption mutuel sur leurs actions dans le groupe ER » (CB Newsletter, 18 juin).

 L’été, bonne saison pour licencier (1). Purge massive à La République du Centre Ouest. Un plan social prévoit « 181 licenciements. 125 concernent la NRCO et 47 le quotidien Centre Presse, à Poitiers, qui fait partie de la Nouvelle République ». Ce chiffre, risque d’être bien plus élevé, puisque « le plan prévoit également la suppression de l’édition du Cher, déficitaire, qui emploie une cinquantaine de personnes, et la mutualisation des deux rédactions de la NRCO Vienne et de Centre Presse dans le département de la Vienne » (Challenges.fr, 23 juillet).

 Le Groupe Hersant Media fait progresser la liberté de la presse. Dans le sud, en l’occurrence, à Var Matin, il n’est pas très éthique de ne pas se courber devant les UMP locaux. De fait, dehors «  Patrice Maggio, [directeur départemental de la rédaction du Groupe Nice-Matin, dont], le tort [était] de ne pas assez vanter les mérites du maire UMP de Toulon et sous-ministre Hubert Falco. » (Le Canard Enchaîné, 20 mai) [3]. Entre Hersant et les politiques de droite, l’histoire d’amour continue [4].

  Le Courrier Picard dans l’escarcelle de la Voix du Nord. Sans coup férir, « 91% des sociétaires du quotidien régional Le Courrier Picard ont accepté l’offre de rachat de leurs parts par la Voix du Nord » et 88% se sont prononcés « en faveur de l’autodissolution de la Société coopérative ouvrière de production (SCOP) ». Dès lors, la voie est libre pour la Voix du Nord pour « mettre en œuvre son plan, qui comporte notamment le rapatriement de l’impression à son imprimerie lilloise avec un plan social touchant 25 salariés » (CB Newsletter, 13 juillet). Hasard, le groupe annonçait quelques jours plus tôt, le recrutement d’un manager de choc : « Jean-Dominique Lavazais, directeur marketing des supermarchés Match depuis 8 ans » (CB Newsletter, 12 juin).

 Inquiétudes aux Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA). Dans leur lettre signée par les syndicats du SNJ, de la CGT, CFDT, CFTC, CFE-CGC, les salariés des DNA interpellent le président du Crédit Mutuel, Etienne Pfimlin, et son directeur général, Michel Lucas, estimant que tous deux ont pris une « lourde responsabilité » dans l’avenir d’une grande partie de la presse quotidienne régionale française. « Nous demandons des informations concernant la stratégie (du Crédit Mutuel) pour le journal, les projets et notre indépendance  »[...] Le groupe bancaire avait prêté les fonds nécessaires au groupe Est Républicain (ER) - L’Est républicain, Les Dernières Nouvelles d’Alsace et La Liberté de l’Est, Le Journal de la Haute-Marne - au rachat de Delaroche - Le Progrès, Le Bien public et Le Journal de Saône-et-Loire, Le Dauphiné Libéré -, un autre groupe de presse, en juin 2006 pour former le groupe Ebra (Est Bourgogne Rhône Alpes) » (CB Newsletter, 2 juin).

4. Presse magazine<

 L’été, bonne saison pour licencier (2). A savoir :
- Wolters Kluwer (Liaisons, Point Véto, Cicéron, Lamy, Héliaste…) restructure (invisiblesdesmedias.info, 2 juin).
- Famili (groupe Marie-Claire) supprime 7 postes.
- Bayard Presse ouvre un guichet de départ sur 50 postes.
- Mondadori a décidé d’interrompre la publication trois de ses titres (Photographe, Caméra Video & Multimédia ) afin de « mieux se recentrer sur les titres grand public, et préparer l’arrivée de l’hebdomadaire féminin Grazia, en septembre. Ce redéploiement pourrait entraîner la suppression d’une quarantaine de postes » (CB News, 1er juillet).

  Les Inrockuptibles changent de mains. Mathieu Pigasse - vice-président de la Banque d’affaires Lazard Europe mais aussi ancien conseiller de Laurent Fabius, ministre de l’économie dans le gouvernement Jospin - « monte aux alentours de 80 %, sur son argent personnel et aucun autre investisseur à ses côtés » (Libération, 18 juillet). Il veut « renforcer ce qui fait que les Inrocks est une référence incontournable en musique, cinéma, littérature. » Incontournable ?

5. Gratuits

 Ça val mal chez Métro et 20 Minutes . Après la fermeture en janvier de son antenne espagnole, Métro a annoncé la cession de ses activités aux Etats Unis en mai, puis son désengagement italien et portugais, en juillet. La boutique d’en face, du groupe norvégien Schibsted (20 Minutes), lance une émission de titres, suite à des pertes au 1er trimestre, « de 46 millions de couronnes (5,2 M€) contre un bénéfice de 867 millions un an plus tôt. […] ce qui se traduira par une réduction considérable du nombre d’employés d’ici à 2011 ». (CB News, 18 mai). Enfin, selon Les Echos du 29 juillet : « le groupe de presse gratuite et de distribution Spir Communication a enregistré une perte nette de 36 millions d’euros au premier semestre. La perte d’exploitation a atteint 34,9 millions d’euros. »

 Bolloré lance son « gratuit » sportif. Le 12 juin, pour compléter son offre (Direct Matin et Direct Soir), le Groupe Bolloré a décidé tout bonnement de s’attaquer à deux des cibles favorites des médias : le sport et les loisirs, avec…Direct Sport : « […] Fruit d’une alliance avec Direct Soir, […] diffusé à 450.000 exemplaires à Paris ainsi qu’à Lyon, Marseille, Aix, Strasbourg, Lille, Bordeaux, Nantes et Toulouse. Direct Soir/Direct Sport contiendra 48 pages.  » (CB Newsletter, 3 juin).

II. Audiovisuel

1. Télévisions

 TF1 en sudation estivale aère ses modes de diffusion. « Frappée par la pression très forte sur le prix des écrans, la Une a vu ses revenus publicitaires fondre de 23 % au premier semestre. Sur la période, le bénéfice net a plongé de 60 %. » Le groupe se diversifie donc et lance TF1 Player, « pour regarder en direct la chaîne et accéder aux émissions en télévision de rattrapage » sur des téléphones mobiles (Les Echos du 27 juillet). Auparavant, sur la TNT, TF1 et AB signaient un accord prévoyant l’acquisition de 40% du capital de TMC et de l’intégralité de NT1. (Les Echos, 15 juillet).

 Des privées œuvrent pour le pouvoir d’achat. Profitant « de la lacune engendrée par la suppression après 20h de la publicité TV sur les chaînes publiques, une mesure qui pose problème aux annonceurs pour toucher aujourd’hui les catégories de cadres et professions libérales », M6 Publicité et Canal+ Régie s’acoquinent avec une offre commerciale baptisée « M+ ». Une pêche au pouvoir d’achat tout azimut : un « "couplage" empruntant 11 chaînes éditées par les deux groupes et concernant les différents univers de réception TV (hertzien national, TNT gratuite, câb-sat, Adsl)  » (CB Newsletter, 30 juin).

 Concentration dans la télévision et « sens de l’histoire ». Selon le président du CSA, Michel Boyon : « les concentrations vont se poursuivre dans le secteur de la télévision. C’est le sens de l’histoire » (Les Echos, 15 juillet). « Depuis un an, TF1 et M6, qui ont à supporter les coûts d’une double diffusion analogique et numérique, sont confrontés à une baisse de leurs recettes publicitaires ; quant aux nouvelles chaînes de la télévision numérique terrestre, elles n’ont pas encore atteint leur équilibre d’exploitation. Or c’est précisément le moment où les unes et les autres doivent investir massivement dans le passage au tout-numérique, la haute définition, la télévision mobile personnelle. Il faut les aider à passer le cap difficile des dix-huit prochains mois ». En assouplissant encore les seuils de concentration par exemple ?

 Nantes 7 et le Groupe Ouest France : courage fuyons ! Nantes 7 a perdu 1,5 M€ en 2008. Ouest-France, qui en détient environ 35% (aux côtés du Télégramme de Brest, des Caisses d’épargne, du groupe d’intérim Synergie et de la mutuelle Harmonie) veut s’en désengager (CB Newsletter, 9 juillet). Le Football club de Nantes, Télénantes (qui partage le canal de diffusion avec Nantes 7) et la société Télévista seraient repreneurs de cette participation.

2. Radios

 Lobbying à tout va pour la radio numérique. L’arrivée décrétée du numérique pour imposer l’évolution des seuils anti-concentration et l’attribution de fréquence aux gros opérateurs, pas forcément de radio, poussent à des évolutions stratégiques :

- « Jazz Radio, MFM, Radio Classique, Radio Nova, Skyrock et TSF Jazz […] espèrent faire valoir leurs "spécificités économiques et culturelles" dans toutes les instances de décisions ». D’où leur lobby Réseaux Indépendants, « une organisation professionnelle destinée à défendre les réseaux nationaux indépendants. » (CB Newsletter, 18 mai).

- Le groupe radiophonique Start (Sud Radio, Voltage, Wit FM, Ado FM, Latina, etc.) se réorganisé avec « pour objectif d’"affronter les enjeux du paysage radiophonique dans les meilleures conditions face à un environnement difficile » (CB Newsletter, 3 juin).

- La grève et le mépris à RFI. Rappel : la grève illimitée déclenchée le 12 mai pour s’opposer, entre autre traitement de faveur, aux « 206 suppressions d’emplois, la fermeture des rédactions en six langues » [5] a été suspendue jusqu’au mois de septembre. Une suspension dont le motif n’est certinement pas de céder devant l’attitude de la direction, notamment celle de Christine Ockrent, droit dans ses bottes de gestionnaire, déclarant : « les syndicats veulent nous avoir à l’usure, mais nous ne cèderons pas. C’est une rédaction rouillée sur pieds, et si elle continue comme ça, elle va au suicide collectif  » (Le Canard Enchaîné, 8 juillet) [6].

 
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Notes

[2Par ailleurs, Prisa est à tel point endetté qu’il envisage de tailler dans les rémunérations de ses employés

[3« après avoir fait le ménage au quotidien marseillais « La Provence » et à « Nice-Matin »

[5« Radio France Internationale (RFI) en grève contre les menaces de grande braderie », tract intersyndical FO, SNJ, SNJ-CGT et SNRT-CGT du 5 mai.

[6Lire aussi sur le sujet [« RFI en grève face à Christine Ockrent, reine du mépris », tract de l’intersyndicale (FO, SNJ, SNJ-CGT, SNRT-CGT).

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