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L’actualité des médias n°45 (15 sept. - 10 oct. 2005)

par William Salama,

Petites et grandes manœuvres dans la publicité, dans l’audiovisuel et dans la presse écrite.

I. Publicité

 Bolloré et Publicis rivaux mais pas trop ? Vincent Bolloré s’est récemment invité chez Havas en prenant 22 % de son capital et en poussant vers une retraite dorée Alain de Pouzilhac en juin dernier. Puis, le 20 septembre, il s’introduisait, à « titre personnel » [1] et de « manière neutre » dans le capital d’Aegis, une société britannique de belle facture : la cinquième mondial de l’achat d’espaces.

Le 22 septembre, Publicis (sous la houlette de Maurice Lévy, patron) - concurrent de Havas - annonçait également vouloir racheter Aegis, laissant augurer aux Echos (du 28) « une nouvelle étape dans la recomposition du paysage publicitaire ». Il n’était pas encore question de « rivalité » ou de « bataille », termes qui en une semaine vinrent s’inviter dans la presse. Car dès 1er octobre 2005, adieu neutralité : Vincent Bolloré monte via ses différentes sociétés (exception d’Havas) à 11,38% du capital d’Aegis. Cette surenchère bolloréenne est motivée « selon certaines sources » par la nécessité de « contrer, outre celles de Publicis, les ambitions de l’américain Omnicom  », et d’y voir plus qu’un investissement « financier » mais « stratégique » (Les Echos du 2 octobre 2005). Le 5 octobre 2005, il remonte à 12,6%, devenant ainsi le premier actionnaire -« un acteur clef dans le dossier » (Les Echos) et le 7, surmonte à 14,06 %.

Si Havas persiste à nier sa participation dans la visée finale du projet Bolloré, Lévy de chez Publicis est de facto placé en position de « rival » et l’américain Omnicom en éventuel partenaire de Bolloré (Cb News du 10 octobre 2005). Un homme d’affaires breton agissant seul face à deux groupes, voilà qui passionne les débats. Challenges, qui avait rencontré le modeste Vincent Bolloré, dans sa tour éponyme à Puteaux titrait le 15 septembre 2005 « Les sirènes des médias lui font larguer les amarres ». Sous entendu pour les médias. Plus leurs ressources : la publicité et leur intendance - le placement de la publicité dans les médias. Comme la vie n’est qu’un jeu, en cas de gain d’Aegis, la stratégie commande qu’Havas soit de la partie : « Les analystes voient dans la montée en puissance de l’homme d’affaires breton au sein du capital d’Aegis la volonté de jouer un rôle d’arbitre dans l’avenir du Britannique et de promouvoir une éventuelle alliance dans l’achat d’espace avec Havas » (Le Monde du 9 octobre 2005). Et en effet, Robert Lerwill : « Il y a une certaine logique de partenariat entre Aegis et Havas » relaient (Les Echos, 11 octobre 2005).CQFD

 Des nouvelles de nos cadres actifs. « France Inter et TF1  » seraient plébiscitées par les « cadres actifs » indique La Tribune du 21 septembre 2005. Question : TF1 aligne-t-elle son offre sur France Inter - ou l’inverse ?

 Dépression de la pagination publicitaire. Selon les derniers chiffres de TNS Media Intelligence, la pagination publicitaire de la presse quotidienne nationale dégringole de 8% et depuis la fin août s’accélère (-19%) pour tous, sauf Le Parisien. Chute moindre pour la presse magazine : 1% en moyenne (lire plus bas, misères et satisfaction de HFM).

 Parades contre la dépression. Face à la dégringolade, les derniers remèdes.

- La synergie : « Emap France a décidé de se doter d’une régie publicitaire à l’échelle du groupe en créant Emap Media Régie, qui regroupe l’ensemble des activités publicitaires du groupe » selon la Newsletter de Stratégies du 20 septembre 2005 ; future « entrée de Lagardère dans les régies du Monde et de « Libé » (Les Echos du 3 octobre 2005) ; « MFM (groupe LV & CO) a confié à NRJ Régies la commercialisation de sa publicité nationale, à compter du 1er janvier prochain et rejoint donc NRJ, Nostalgie, Chérie FM et Rire & Chansons au sein de l’offre NRJ Régies » (Newsletter de CB News du 7 octobre 2005).

- L’alliance  : « Manchette Publicité a confié à ParuVendu l’exclusivité de la commercialisation des annonces automobiles et immobilières de particuliers du Parisien » (ibidem).

- La séduction : « les régies publicitaires des chaînes de télévisions » s’apprêtent à publier le 11 octobre 2005 « leurs conditions générales de vente (CGV) pour l’année 2006 ». Elles présenteront aux annonceurs « les dates d’ouverture des plannings, et leur rythme » (ibidem). Un genre d’almanach comme peut en proposer Le Chasseur Français ?

- La simplification : TF1 a créé une filiale qui entend « accompagner les annonceurs dans leur stratégie de communication  ». Concrètement proposer en un seul produit toutes les formes de publicité actuelles - p Pas moins... La Tribune (20 septembre) est impressionnée et poétise : la chaîne « souhaite devenir l’architecte de campagnes globales  », et un conseiller (Eric Vaubourgeix, président de la délégation « marketing services » au sein de l’Association des agences-conseils en communication) de se pâmer « TF1 donne ses lettres de noblesse à notre métier » (sic).

- La bonne vieille traque : Médiamétrie pourra dès janvier 2006 intégrer à son panel Médiamat des foyers abonnés à la télévision par Adsl (La Tribune, 6 octobre 2005) pour mesurer l’audience de ce nouveau relais de croissance : la télé via la ligne téléphonique, sur lequel les équipementiers télécoms - dont Alcatel - investissent par ailleurs en masse...

  « Télévision sans frontières », ni régementation : vers plus de publicité à la télévision. Mi-septembre, les négociations relatives la révision de la directive européenne « Télévision sans Frontières » se sont ouvertes à Liverpool afin de remmailler « les grandes règles de diffusion et d’investissement de la télévision en Europe  », c’est-à-dire « assouplir un dispositif jugé contraignant et insuffisamment rémunérateur  » (sic) « pour les diffuseurs comme pour les producteurs de contenus toujours en quête de financement.  » Sur la dérégulation, l’accord est global ; idem sur la finalité dévoilée par Le Figaro du 16 septembre 2005, avant même l’ouverture des dites négociations et sans émotion : « Vers plus de publicité pour le petit écran », en l’occurrence vers les grandes chaînes. Mais, sur les modalités, difficulté : « les points d’achoppement de la négociation porteront inévitablement sur l’évolution de la publicité à la télévision » (idem). Ainsi, les chaînes thématiques ne veulent se faire léser par les hertziennes. Dans leur secteur les annonceurs investissent plus « parcimonieusement ». Remède ? Vite 2007 et l’ouverture de la télévision aux secteurs interdits comme « la grande distribution » sans oublier la publicité connexe (placements de produits).

A signaler, ces autres râleurs (le conseil d’administration du Syndicat de la presse quotidienne régionale - SPQR), tonnant grâce à la Newsletter de CB News 22 septembre 2005 « contre les dispositions envisagées par la Commission européenne visant à assouplir les règles encadrant la publicité à la télévision et « demande au gouvernement de "ne soutenir aucune proposition qui pourrait conduire à modifier les grands équilibres du marché"  ».

II. Audiovisuel et convergence

 NextRadioTV se pare. La holding NextRadioTV s’est introduite à la Bourse le 7 octobre 2005.
Une action « qualifiée d’"étape majeure dans la vie" du groupe », le 27 septembre 2005, par Alain Weill (président du directoire du groupe) selon la Newsletter de CB News du 28 septembre2005, bien qu’aux « débuts décevants » dans le beau monde de la corbeille (Les Echos, 10 octobre 2005).

 Radio : Skyrock déplait. Du côté de Skyrock, toujours « en vente depuis un an », et toujours qualifiée de « belle pépite » c’est toujours le célibat. TF1 et NextRadio ne sont plus intéressés par la belle pépite (Challenges du 29 septembre 2005).

 TPS : méthode Coué. Avec 400 millions d’euros de pertes, une rentabilité en berne, la TNT en embuscade, et surtout, l’offre en foot regardée sur le bouquet ennemi-honni CanalSat, le bouquet de TF1 va flétrissant. Mais, « la bataille des chiffres fait rage » entre TPS et Canal+ selon Les Echos, 16 septembre 2005. Car, méthode Coué, instinct de survie et face à gardée obligeantes, elle le doit : « à l’occasion d’un point presse le 14 septembre, TPS a indiqué qu’il prévoyait de perdre 30 000 abonnés à la fin 2005, "imputables à la fin de la diffusion de la Ligue 1" sur le bouquet. TPS comptait 1,65 millions abonnés à la fin juin 2005 » (La Tribune du 16 septembre 2005). Dans un article intitulé « TPS le casse-tête de TF1 » - Capital d’octobre 2005 n’y va pas de main morte : « TF1 gère au cordeau sa chaîne vedette, la Une. Mais, quand il s’agit du bouquet satellite dont il est l’actionnaire principal, rien ne va plus : le déficit se creuse, les abonnés désertent. » Ajoutons ses bisbilles publiques avec le co-actionnaire M6 en mal de vision stratégique adéquat et qui en souffre lire notre édition n°44, voilà de quoi remettre sur la table comme à chaque saison le scénario de fusion avec CanalSat ...

 Vidéo à la demande : une parade de plus. Et un « eldorado » de plus pour le petit monde convergent (« opérateurs, groupes Tv, divertissement ») que Le Figaro (20 septembre 2005) présente tel un bon VRP ainsi : « Pas plus de cinq clics pour regarder un film depuis son PC ou sa télévision. [...] Les plus grands opérateurs du petit écran et des télécoms - TF 1, Canal +, M 6, France Télécom ou TPS - ont annoncé pour le dernier trimestre 2005 le lancement de plates-formes de distribution de contenus cinématographiques et audiovisuels. » Si « tous espèrent préempter un nouvel usage dont on ignore encore quel sera le modèle économique gagnant », le principe est, « grosso modo, celui du magasin de location vidéo en ligne ». Plus, grosso modo, le cash en ligne de mire.

 TF1 : mauvaise humeur. Le 4 octobre 2005 Patrick LeLay devait être reçu par le Premier ministre Villepin au sujet de la CFII. Il semble aux dires des commentateurs que le patron de TF1 entendait être fixé sur les rumeurs de reprise en main du projet par France Télévisions Lire notre édition n°44. Ce qui au vu des embûches qu’il a semé depuis le départ, peut dans le plus poli des cas, être qualifié mauvaise foi. Ce rendez-vous a été reporté. Le lendemain TF1 saisissait la « justice européenne sur le financement de France Télévisions  » (La Tribune du 5 octobre).

- TNT : Les français appâtés et le gouvernement auto-satisfait. 685 000 adaptateurs vendus après une campagne de « publicité et de marketing agressive » (sic), un taux de pénétration de 8%, une promesse d’arroser la moitié de la population française soit près de 12 millions de foyers fin octobre 2005, puis 20 millions en 2010. Bref : « Mission accomplie » pour Le Figaro du 30 septembre 2005, qui rappelle toutefois deux défis : « convaincre les téléspectateurs à souscrire à une offre élargie payante » (voilà bien le problème des opérateurs). Et « enrichir et améliorer la qualité de cette offre de programmes afin que les plus petites entités soient capables de faire jeu égal avec les opérateurs historiques ».

« La Télévision numérique terrestre ouvre un nouveau chapitre de son développement ». Soit. N’était le hic technique : « le casse-tête de la couverture de la population à 100 % » (Les Echos, 6 octobre 2005).

 Projet de la CFII - l’appel du pied de TV5. Jean-Jacques Aillagon fait savoir que « TV5 Monde veut élargir son audience et augmenter son action éducative en faveur du français. Pour consolider et élargir la diffusion et l’audience, la chaîne veut notamment développer sa diffusion hertzienne ». Or « le coût de l’opération est estimé à 10 millions d’euros d’ici à 2010. Ce qui implique un besoin en ressources propres (publicité, parrainage, mécénat) du même montant » (Newsletter de CB News du 21 septembre 2005) .

Et du budget de la CFII ? Car si ses contours « ne sont toujours pas clairement dessinés », elle est désormais budgétisée de 65 millions d’euros auxquelles « s’ajouteront aux 30 millions d’euros de crédit attribués en 2005, qui n’ont pas été dépensés » selon Le Monde du 30 septembre 2005.

Justement, Aillagon sait dessiner. L’ancien ministre se fait d’ailleurs donner un coup de main pour les crayonner dans Le Figaro (21 septembre 2005 ) qui publie sa tribune (« TV5, outil de diversité culturelle »), dans laquelle il montre prudence : « Quelles que soient les conclusions des réflexions actuelles sur la création éventuelle d’une chaîne française d’information internationale, il faudrait se garder de prétendre qu’on créerait ainsi la ‘’voix de la France’’ », déférence : « la voix de la France dans le monde c’est celle du président de la République. C’est celle du gouvernement. C’est celle de la loi quand le Parlement lui donne forme », et ... un opportunisme proche de la divination « sans être une chaîne d’information internationale et sans prétendre vouloir l’être, TV 5 offre ainsi au monde entier d’autres points de vue sur l’actualité internationale que ceux des médias locaux ou des médias anglo-saxons à vocation globale  ». En effet, le jour même de sa tribune, les Echos (21 septembre 2005) indiquaient que « la CFII devrait être diffusée majoritairement en langues étrangères en France  ».

  « Télévision sans frontières » et conflit d’intérêt sur la convergence. Un cercle sans fin ? A Liverpool, c’est l’achoppement dans la famille de la presse, qui regarde, inquiète, une autre famille (les équipementiers télécoms) venir taper dans leur assiette : « Les opérateurs de télécommunications seront bientôt en mesure de fournir des services de radiodiffusion d’une qualité égale à celle de la télévision classique [...] que les consommateurs regarderont ou écouteront de plus en plus des contenus audiovisuels n’importe quand, n’importe où, sur n’importe quelle plate-forme technique (télévision, ordinateur, téléphone portable, assistant numérique personnel.  » (Le Monde du 21 septembre).

Puisque ce scénario est «  nécessaire  » écrit le quotidien, restent les modalités, or, le Yalta publicitaire charrie tant d’enjeux financiers, défendus par des lobbys ou intérêts encore divergents que les débats semblent brutaux au sujet de la directive. D’où l’euphémisme de façade des Echos, 21 septembre 2005 qui jugent « la modernisation de la directive TSF délicate ».

Pour l’instant, c’est la panique des groupes audiovisuels et le front commun. « L’Europe des télés » a tenu « à distance les télécoms » apprend-t-on dans Le Figaro du 21 septembre, lesquels passeront donc par les fenêtres pour bâfrer le gâteau publicitaire (lire Alcatel plus haut) où imposeront leur « nécessité », qui on le sait, fait loi : « pour survivre à la révolution numérique, les chaînes essaient de se rapprocher de ces nouvelles pratiques » note Télérama (21 septembre) dans « Menace sur la télé »

 Convergence : La recette modèle. L’Express du 22 septembre 2005, sous le titre « Et si Messier avait bien vu ?  », évoque la stratégie de l’ancien patron de Vivendi Universal qui semble remise au goût du jour par la convergence. L’occasion d’apprendre que la TV sur mobile prend : « SFR au mois d’août a vendus 15 000 vidéoclips via ses mobiles  ». Et de pointer « l’erreur fondamentale » (tout de même) de Messier, en donnant les clés foireuses du business modèle de son idée convergence : « Il a raisonné sur un système fermé, or c’est un système ouvert qui triomphe ».

III. Presse Ecrite

 Distribution : Lagardère se substitue à la ville de Paris. le 26 septembre 2005 a vu le changement de concession des kiosques de Paris et l’attribution de la délégation de service public au bénéfice de la société Administration d’affichage et de publicité (AAP), filiale des NMPP et de Hachette Filipacchi Médias (HFM) ». Le Monde du 26 septembre 2005. Le Syndicat national des diffuseurs de presse, proche de la CGT, a indiqué que «  les gérants des kiosques n’accepteront pas de délégation de service public  » (Le Monde, 26 septembre 2005).

1. Presse quotidienne nationale (PQN)

 Classement OJD. Le cru 2005 de l’OJD certifie que L’Equipe reste en tête des quotidiens nationaux, mais que Le Figaro avec 326.690 exemplaires coiffe Le Monde (324.401 ex), et que Libération s’écroule. La lecture des titres des quotidiens en question, évoquant le classement, est amusant : Les Echos, Libération retiennent Le Figaro « passe » devant Le Monde (21 septembre 2005). On n’est jamais mieux servi que par soi-même : Le Parisien, (comme Le Figaro), retient qu’il est en « tête » (22 septembre 2005 ). Menacé (lire plus bas) Le Monde se vexe et biaise sur la diffusion payée pour revendiquer : « Le Monde reste le premier quotidien pour la diffusion totale payée » (23 septembre 2005).

  Libération sous pression (capitalistique). Moins lu et grevé par des pertes estimées - au plus bas - à 2 millions d’euros, Les Echos du 23 septembre 2005 sort la rumeur : Libération « prépare des projets de développement qui vont "au-delà du simple quotidien ». Projet bien sûr conditionné par « la mise en place d’un plan de restructuration qui pourrait comporter une réduction des effectifs ». Une rumeur qui chemine vers la confirmation, le 26 septembre 2005, lorsque Serge July annonce donc une « "optimisation de l’organisation”, faisant craindre au personnel un plan social [...] la "possibilité d’un licenciement collectif ou plan de sauvegarde de l’emploi qui porterait sur une fourchette estimée de 40 à 80 personnes", sur un effectif de 330 salariés  » (Newsletter de CB News du 3 octobre 2005). La fête est finie, et l’illusion n’a duré qu’un temps... Edouard de Rothschild veut « remettre de l’ordre » selon Les Echos, 3 octobre 2005, qui reproduisent rses propos dignes d’un Dassault : il est « un peu utopique de vouloir différencier rédaction et actionnaire  »). Rappelons que le 20 janvier 2005, le vote du personnel approuvé par la SCPL (Société civile des personnels de Libération) qui livrait le quotidien au financier, le faisait sans « promettre de toucher ou pas au contenu ».

  Le Figaro contre Le Monde contre Le Figaro . Dans ce contexte, « les quotidiens font peau neuve » notent Les Echos du 27 septembre 2005, en évoquant surtout celle du Figaro (de Dassault et de Nicolas Beytout) pour lequel on a sorti « le grand jeu  » afin de le transmuter en «  quotidien national de référence [..., par un] coût total de l’investissement est de 5 M€ ».

Mais lorsqu’un concurrent parle de référence, Le Monde sort son revolver sous la forme d’un article au titre fielleux (28 septembre 2005) « La nouvelle formule du Figaro en trois cahiers veut tenter d’enrayer la baisse des ventes  » (il aurait pu préciser baisse générale du secteur, lire plus haut classement OJD). Puis il déroule la nouvelle fiche technique dans son dernier paragraphe qui sous des aspects tout aussi factuels est perclus de sous-entendus :

- la crainte sociale et rédactionnelle du SNJ (« Tous ces projets suscitent des craintes au sein de la rédaction (320 journalistes, après de nombreux départs). [...] le Syndicat national des journalistes (Newsletter de Stratégies) a réclamé que l’espace rédactionnel soit préservé),

- et l’ « appréciation » de Dassault (dont la connaissance de la presse est légendaire) : « "C’est bien. Ça va dans la bonne direction " ».

2. Presse magazine

 Mimétisme. Pour rattraper Le Point, L’Express est repassé le jeudi lire notre édition n°44. Et pour atteindre, en ligne, « le nouvelobs.com », « l’express.com » propose comme lui désormais à un rythme quotidien une « info en temps réel désormais commentée par la rédaction » (Newsletter de Stratégies, 21septembre 2005). Rassurons-nous, pour faire comme Le Point et Le Nouvel Observateur, L’Express continue d’être L’Express.

 Possession et ambitions. Yves de Chaisemartin (ancien PDG de la Socpresse, membre du conseil d’administrions du fonds d’investissements Carlyle) qui a racheté récemment 25% du capital de Marianne à « titre personnel », [2] va prendre sa direction générale. Ambition : « passer le cap des 300.000 exemplaires » (La Tribune du 28 septembre 2005 ).

 Presse féminine : le retour d’Axel Ganz, l’arrivée de M6. La douceur de vivre de Saint-Tropez inspire les plus grandes idées. Une fois ses « vacances achevées » là-bas, écrit Le Figaro du 20 septembre 2005, Axel Ganz, l’ancien patron de Prisma Presse a décidé de renouer avec ses « premières amours » : « la création d’entreprise » (sic), en « joint-venture avec Gruner + Jahr » (la maison mère de Prisma Presse). Son idée est originale : il veut lancer un ... nouveau magazine féminin, dont la France manque.

Une idée-force que M6 a de son côté adoptée, selon (Stratégies du 28 septembre 2005), avec cette trouvaille de taille : le sien sera gratuit. Il s’adressera aux CSP+ et aura comme rédactrice en chef la « très tendance » (sic) Yolaine de la Bigne. Nom : Absolument Féminin. Lancement prévu via sa filiale de presse écrite M6 interactions : 2006.

 Presse Magazine senior : Bayard mise sur les listings stratégiques. Le groupe Bayard vient d’acquérir auprès du groupe Média Participations la marque et le fichier d’abonnés du magazine senior Vivre Plus. Ce faisant, il relance la « bataille des titres seniors » (Le Figaro du 22 septembre 2005). Une bataille ... Le terme n’est pas de trop : « Concrètement, il s’agit d’utiliser la marque Vivre Plus et son portefeuille de 50 000 abonnés pour créer un autre titre de niche sur la cible senior, en positionnant Vivre Plus sur une moyenne d’âge plus jeune que celle de Notre Temps. » Et en effet, il s’agit de marque : savoir que l’on ne conquiert pas le lecteur sur le contenu, mais on le sollicite par courrier : « avant de livrer une bataille éditoriale, ces titres se mènent une guerre de marketing direct à coup de locations de fichiers des vendeurs par correspondance. Pleine vie dispose d’un accord avec la caisse de retraite AG2R, qui lui assure l’achat de 440 000 abonnés par mois  ». Rien que de très normal pour eux : « environ 80% de la diffusion de ces titres proviennent des abonnements » (Le Figaro du 22 septembre 2005 ).

 Misères et satisfaction de HFM. L’article du Figaro le 26 septembre 2005 consacré à Hachette Filippachi Média (HFM, Groupe Lagardère), sur ses affres consécutives à la « morosité » du secteur publicitaire en France nous donne l’occasion de compatir, car les annonceurs participent à 60% de son chiffre d’affaires en France. Petite satisfaction dans la panique : Elle, l’un des magazines du groupe, a comptabilisé au premier semestre « 2 124 pages de publicité, soit une hausse de près de 2% » (bravo !) et « le numéro de la rentrée de septembre 2005 (spécial mode) a même battu un record avec 205 pages de publicité ! ».

3. Presse quotidienne régionale

 Au Sud. « Nice Matin s’offre une nouvelle maquette » (Newsletter de Stratégies 27 septembre 2005 ).

 A l’Ouest : le pôle Ouest de la Socpresse a reçu, par son repreneur éventuel, la « promesse de conserver un environnement concurrentiel avec trois titres » (il faudra compter sur la « bonne foi » du Pdg de Ouest-France, F-r Hutin) et le soutien de l’intersyndicale réunissant la Filpac CGT desdits trois titres (de la Socpresse), Sud journalistes à Presse-Océan , FO Cadres au Courrier de l’Ouest et le Syndicat national des journalistes au Maine Libre. Mais pour ces derniers, cela sonne comme un faute de mieux : « Le désengagement de la presse régionale que Serge Dassault veut avoir mené à son terme avant la fin 2005 ne laisse, comme alternative à Ouest-France, qu’une "vente à la hussarde de quotidiens pouvant, à l’image du pôle Rhône-Alpes, passer entre les mains de fonds de pension ou de repreneurs peu crédibles"  ». Toutefois, le « verdict » du conseil de la concurrence (11 octobre 2005) bute encore sur des prises de becs liées au partage du gâteau publicitaire dans la région (Le Monde du 4 octobre 2005).

 Au Centre : « La Nouvelle République du Centre Ouest modifie ses statuts pour ouvrir son capital » afin de permettre l’arrivée d’investisseurs (Newsletter de Stratégies du 21 septembre 2005). - La direction du Berry républicain a annoncé le 22 septembre 2005 aux représentants du personnel l’imminence d’un plan social portant sur la moitié des effectifs (50 licenciements sur 95 salariés). » (Newsletter de Stratégies, 23 septembre 2005). - La Socpresse Rhône-Alpes sous pavillon espagnol ? Depuis que le fonds de pension Candover a « jeté l’éponge » (Le Monde du 4 octobre 2005), un autre fonds d’investissement britannique 3i a (Les Echos du 4 octobre 2005) le remplace pour postuler au rachat. Mais vraisemblablement, (même source), le groupe de presse espagnol Vocento (éditeur d’El Correo, El Diario Vasco et possédant 13% de la chaîne Telecinco) est mieux bien placé vu l’argent mis sur la table (300 millions). Au 10 octobre 2005, le groupe Sud-Ouest s’invite également (Newsletter de Stratégies).

 « Grandes manœuvres annoncées dans le Centre Ouest » . Un communiqué du SNJ-CGT :

« Les concentrations se poursuivent à vive allure dans la presse quotidienne régionale. En effet, après la vente du pôle ouest de la Socpresse (Le Courrier de l’Ouest, le Maine libre et Presse-Océan) à Ouest-France (et en attendant celle du pôle Rhône-Alpes), c’est le groupe Centre-France (La Montagne, Le Journal du Centre, Le Populaire du Centre et le Berry républicain) qui prépare des accords avec la Nouvelle République du Centre-Ouest, le quotidien de Tours. La direction du groupe Centre-France vient en effet d’annoncer un plan social qui devrait entraîner la suppression de plus de la moitié des emplois au Berry républicain à Bourges. Comme chez Hewlett-Packard, rien ne justifie un tel plan social dans un groupe qui dégage des profits considérables et qui cherche des opportunités d’investissement. Il ne peut se justifier que par la volonté de réorganiser le groupe et de passer des accords avec la Nouvelle République du Centre-Ouest. La direction du groupe Centre-France envisage en effet de fermer trois agences du quotidien berruyer, deux dans l’Indre à Châteauroux et Issoudun et une dans le nord du Cher à Aubigny-sur-Nère et de racheter la République du Centre, le quotidien d’Orléans, à la Nouvelle République du Centre-Ouest (majoritaire depuis le retrait du groupe Amaury). Les directions évoquent aussi la possibilité d’accords pour l’impression des différents titres au moment où le quotidien de Tours traverse une grave crise, prépare une modification de ses statuts et recherche des solutions capitalistiques. On s’oriente donc vers de nouveaux accords, notamment de bornage, qui aboutiront au journal unique dans une quinzaine de nouveaux départements.

Le SNJ-CGT dénonce une nouvelle fois cette concentration qui se profile. Il dénonce également la brutalité et la morgue du groupe Centre-France qui n’hésite pas à liquider ses salariés pour augmenter ses profits en vue de renforcer son " espace vital ", au mépris du pluralisme. Les plus hautes autorités de l’Etat restent étrangement muettes devant cette " folie concentrationnaire ". Pis, elles l’encouragent en acceptant de participer aux opérations de lobbying du syndicat patronal, le SPQR, comme ce fut le cas le 17 septembre dernier au cours d’une réception organisée par le syndicat patronal au Cercle de l’Union interalliée à Paris. Le SNJ-CGT appelle les journalistes des groupes Centre-France et Nouvelle République du Centre-Ouest à s’opposer aux fausses solutions préconisées par leurs directions et notamment aux licenciements, puis à faire des propositions de relance des titres dans le cadre de mises en commun des moyens techniques et rédactionnels assurant la pérennité de chaque quotidien. (Montreuil, le 23 septembre 2005) »

Et pour finir

 Indépendance des médias et syndicalisme. Prise de positions et initiatives :
- « Opposition sur le fond et sur la forme entre le syndicat CFDT- Radio-Télé et la Confédération CFDT ». Dans un communiqué portant ce titre et daté du 6 octobre 2005, le secrétariat national de la CFDT Radio-Télé informe de son intention de défendre jusqu’au bout « la nécessité de construire un Syndicat National des Médias, seule structure adaptée pour mener une action efficace et cohérente en faveur des salariés et pour la défense des valeurs démocratiques de la presse [...] » contre les tentatives des instances confédérales « d’imposer la création d’une nouvelle Fédération dite F3C, réunissant la Poste, la Culture, les Médias, les Télécommunications et les cabinets de Conseil (séparés jusqu’alors dans trois fédérations distinctes) sans respecter les règles statutaires qui ordonnent la dissolution préalable de ces Fédérations » et d’ « imposer au Syndicat CFDT Radio-Télé d’intégrer ce nouvel ensemble sans lui donner les garanties démocratiques ni lui assurer le maintien de son indépendance politique, qu’il réclame.  »
- Les sociétés de journalistes représentant 2 000 journalistes de treize titres de presse nationale (Le Figaro, Libération, Le Monde, La Tribune, L’Equipe, L’Express, Le Journal du dimanche, Le Nouvel Observateur, Le Point, Marianne, Télérama, L’Expansion, Sciences et Avenir) viennent de se regrouper en association sous le nom de Forum permanent des sociétés de journalistes. Présidé par François Malye (Le Point), ce forum qui se dit ouvert à l’adhésion d’autres organes de presse se donne pour mission de défendre l’indépendance des rédactions. » (Lire ici même : « Le Forum permanent des sociétés de journalistes vient d’être créé » )
- Création d’une coordination syndicale SUD-Médias. Plusieurs syndicats SUD (Solidaires, Unitaires, Démocratiques) présents dans les entreprises de l’audiovisuel et de la presse -à l’AFP, TV5, France 3, Presse-Océan, Radio France et Télérama. (Voir sur le site de Sud-Médias)

 
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Notes

[1C’est de saison : cf. Yves de Chaisemartin chez Marianne

[2Comme le souligne, enfin, Jean-François Kahn dans le numéro du 1er octobre 2005 que nous remercions de nous lire

A la une

Nathalie Saint-Cricq dans Libération : une « pointure » et beaucoup de cirage

« Nathalie Saint-Cricq vote », et Libération vote Saint-Cricq.