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L’actualité des médias n°35 (6 déc. - 31 déc. 2004)

par William Salama,

I. Audiovisuel

 Bolloré et ses ambitions. Bolloré semble avoir renoncé à Libération. Mais, comme il le dirait d’une grue, Le Figaro du 28 décembre 2004 annonce que « l’homme d’affaires breton vient de lever 200 millions d’euros ». Et de poursuivre : « une preuve indiscutable - pour ceux qui en doutaient encore - de sa volonté de s’impliquer dans ce secteur et non de réaliser une pure opération financière ». Voilà du suspense : « Bolloré clame haut et fort ses ambitions dans les médias, mais reste discret sur ses projets. »

 Câble. « Une page se tourne pour le câble français. France Télécom et Canal Plus ont conclu hier pour 528 millions d’euros la vente de leurs filiales câbles au tandem formé par le fonds d’investissement européen Cinven et le câblo-opérateur belgo-luxembourgeois Altice. ». Ce commentaire de La Tribune (22 décembre 2004) ressemble à une triste homélie, le titre est plus dynamique « Cinven rafle le câble de France Télécom et de Canal »

 Enjeux des Télévisions locales (1). L’Humanité du 15 décembre 2004 relaie l’indignation des télévisions associatives après le choix du CSA d’attribuer TV7 Marseille à la société « Marseille télévision locale, dont les actionnaires majoritaires sont la Caisse d’Épargne (45 %), la Provence, filiale du groupe Lagardère (15 %), et le groupe AB Production (15 %)  ». Le quotidien Les Echos du 9 décembre 2004 avait fourni une explication rationnelle de ce choix contesté « TV7 Marseille va bénéficier d’un gros bassin d’audience ». En somme, il ne fallait pas le confier à n’importe qui ! Lire notamment : « Hachette-Lagardère pique la télévision de Marseille aux associatifs ! » et les autres articles denotre rubrique « Télévisions locales »

 Enjeux des Télévisions locales (2). Léger changement de commandement sur le territoire de conquête. Jusqu’à présent la régie des espaces publicitaires des télévisions locales (TLM, TLT, Clermont Première et TV7 Bordeaux était majoritairement détenue par Lagardère Active Publicité. Il descend à 40 % au profit de Publiprint télévisions locales - régie du groupe Socpresse - qui monte à 51 % (Stratégies Newsletter, 8 décembre 2004).

 TNT et TVHD, coup de théâtre, ultimatums et lobbying. Coup de théâtre. Raffarin (le 23 décembre 2004) a finalement décidé que les chaînes payantes (la deuxième vague prévue après les gratuites) adopteront la norme de compression MPEG-4, « sans aucune explication », ajoutent Les Echos (27 décembre 2004). D’où une nouvelle colère de « la plupart des acteurs de la TNT  » à l’exception de TF1 qui ne pipe mot alors qu’il soutenait la norme MPEG-4 par un lobbying actif, avant d’affecter de s’en laver les mains.

Ce que l’on remarque, même « sans aucune explication  » c’est que la décision est dans la logique du système « pas uniquement technique [et...qu’] elle a le mérite de préparer l’avenir de l’audiovisuel. A terme, l’analogique disparaîtra. » (Les Echos, idem). Bref, parce que ce sera le prochain centre de profits, la TVHD doit être et sera. Car bien que la décision du lancement « sans aucune explication » de la norme du futur ait été retardée voire menacée, elle n’en restait pas moins l’objectif de toutes les attentions.

L’opérateur Internet Free et les chaînes publiques de France Télévisions rendent public leur partenariat, en démontrant de concert qu’en plus du satellite, câble et réseau hertzien, ces chaînes peuvent être diffusée sur Internet (source : La Tribune, 15 décembre 2004). Enfin le quotidien Les Echos (16 décembre 2004) rappelle qu’une autre marque est sur les rangs : « Sony pour qui l’Europe ne doit pas manquer le rendez-vous de la TVHD  ». Un rappel en forme de menace.

Sur tout cela, lire nos éditions précédentes.

 TNT et publicité. Face aux chaînes existantes (France 2, France 3, France 5, Festival, Arte, LCP/Public Sénat, TF1, M6 et Télé Monte Carlo), les nouvelles chaînes gratuites NRJ TV, NT1, Direct 8 et M6 Music ) de la TNT devront « capter au moins 2 % des recettes publicitaires du marché de la télévision tout en contrôlant strictement les dépenses dans les programmes : c’est l’équation que doivent résoudre » avertissent Les Echos du 9 décembre 2004 (« le modèle économique des nouveaux entrants  »).

Restent également les « chaînes qui pourraient s’ajouter à l’offre à l’occasion du nouvel appel d’offre » désormais lancé par le CSA.

Les agences médias anticipent déjà et alertent le landernau. Les Echos du 16 décembre 2004 proposent en effet une étude sur la TNT, également produite pour se faire mousser, de l’une de ces agences (Carat).
Elle prédit sous l’effet de la fragmentation « des publics » (les consommateurs) un bouleversement diamétral dans le paysage audiovisuel publicitaire : en « 2015, entre 35 % et 60 % des foyers français auront accès à la TNT », et « les chaînes historiques ne pèseront plus que de 65 % à 75 % d’audience, contre 91 % aujourd’hui ».

 Droits sportifs. Le groupe Canal Plus a réussi à acheter pour sa « survie » (sic) avec « l’équivalent de plus de six Téléthons  » les droits de retransmission des matchs de la Ligue 1 de football - 600 millions d’euros annuels entre 2005 et 2008.

« Les perdants » (à savoir TF1 et M6, actionnaires de TPS), ajoute Le Parisien du 11 décembre 2004, « dénoncent une folie économique ». Des perdants ? Bernique, analyse Le Figaro du 11décembre 2004 : « Chez TPS, on peut considérer qu’en étant parvenu à « ruiner » l’adversaire, il suffit d’attendre pour proposer le jour venu, d’ici à trois ans, un regroupement entre les deux bouquets. »

Pour éviter de devenir « la proie Canal Plus » (ce qui n’a pas loupé), il n’a pas fallu deux jours au groupe pour réagir, le 13 décembre 2004 : « Bertrand Meheut met les cartes sur la table [...] et plaide ouvertement en faveur d’un rapprochement entre la filiale de Vivendi Universal et son grand rival  » (Le Figaro Economie, instrument relayeur visiblement bien informé).

Ainsi, alors que TF1 et M6 profitaient en bourse de leur défaite dans les droits du foot, une autre bataille, reprenait, avec pour enjeu la fusion entre TPS et Canal+  : « Le fait qu’il y ait deux plates-formes de télévision satellitaire en France n’est pas viable économiquement, et ce d’autant plus que d’autres moyens de diffusion, comme l’ADSL et le numérique terrestre, sont en train de se développer. La coexistence de deux chaînes premium généralistes dans le PAF - même si Canal + est largement supérieure à TPS - n’est, à terme, pas raisonnable non plus. Un jour, elles devront se rationaliser », explique le président de Canal +. » (Le Figaro Economie du 13 décembre). Se rationaliser ?

 TF1 Publicité. En refondant son site internet, la filiale TF1 Publicité (le nerf de la guerre de sa maison mère) renforce et affine son arsenal de séduction pour ses partenaires, les agences médias qui négocient avec la chaîne le placement des publicités de leurs clients annonceurs. Elles pourront avoir « accès à certaines vidéos ou fiches programmes, les conditions générales de ventes, les tarifs, les offres de parrainage et les études de la régie », et, ajoute Stratégies du 8 décembre 2004, auront la possibilité de « visualiser leurs campagnes sur les antennes commercialisées  ».

 JT de TF1. « Ambiance pourrie à TF1 » rapportée par un article dans ce style qui lui est propre (des allégations pour habiller une information avérée) par Libération : « La baisse de Poivre pimente le climat social à TF1  » sur « méforme du 20 heures » qui « cristallise le malaise au sein de la rédaction ». Bref, « la grand-messe du 20 heures patine autour des 37 % de parts d’audience. Ça fait plus d’un mois qu’elle n’a pas dépassé la barre des 40 %, alors que, d’ordinaire, sa moyenne, du lundi au jeudi, se situe à 40,1 % ».

D’où panique sur les marges (« la direction veut augmenter la rentabilité »), se traduisant par des « brimades », du « stress », et un « management autoritaire » se plaint le contingent d’élite des journalistes télé : « la baisse d’audience, ce n’est jamais la faute des chefs, mais des journalistes qui s’encroûtent ou qui envoient leurs sujets trop tard », développe un autre. « Leur seule réponse, c’est de dire que nous sommes un ramassis d’incompétents », assène un troisième.

A plaindre ?

 CFII et publicité. La Chaîne française d’information internationale est finalement prévue dans le budget 2005 et donc promise à diffusion (lire nos éditons précédentes).

Ce « regain brutal d’intérêt a été suscité par Jacques Chirac lui-même », « agacé de voir son projet piétiner depuis le début de son mandat » selon Le Figaro (7 décembre 2004), qui, en mission pour le Président, le soutient par cet argument d’économie de marché (et donc imparable) : « la question de la rentabilité ne se pose pas étant donné que le seul financement autonome d’une chaîne comme celle-ci ne peut provenir que de la publicité faite par des annonceurs internationaux. Ce qui équivaut à un marché quasi inexistant ».

Ce qui ne va rien changer ? Voire. « Les syndicats SNJ, SNRT-CGT, SNJ-CGT, USJ CFDT de France 2 et France 3, SURT CFDT, ainsi que les Sociétés des journalistes (SDJ) de France 2 et France 3 ont appelé dans un communiqué "tous les personnels de France Télévisions" à refuser de participer à la Chaîne française d’information internationale (CFII), évoquant une "parodie de chaîne d’information"  » ( AFP, 13 décembre 2004) tandis que « l’intersyndicale de Radio France internationale (CFDT, CGT, SNJ) s’inquiète des « conséquences que fait peser la nécessité de financer la future chaîne internationale d’information sur l’avenir de la radio  ». (AFP, 16 décembre 2004).

 Autres manœuvres sur le font audiovisuel. En vrac :

- Le projet de fusion des chaînes thématiques TV Breizh (TF1) et Match TV (Lagardère) est allé dans « le décor » (selon Libération, 6 décembre 2004.)

- « Paris Première » reprise par M6 est en avance sur son redressement (« les coûts de structure ont été divisés par 2 et le coût de la grille a été légèrement réduit de 10% »), et peut de fait envisager « la possibilité de passer en chaîne gratuite sur la TNT, le président de la chaîne estime qu’« il n’y a pas de changement, nous sommes titulaires d’une fréquence en payant. Nous attendons de voir comment le marché va s’organiser pour le lancement de la TNT payante » (Les Echos, 16 décembre 2004).

- NRJ entend se « constituer un bel actif dans la télévision ». Le groupe va faire ses premières armes sur le territoire de la télévision avec la TNT ; il prévoit d’ « investir une vingtaine de millions d’euros par an en année pleine dans la grille de programmes ». Enfin, par sa prise de la filiale Towercast, NRJ « espère profiter de la fin du monopole de diffusion de TDF sur les radios publiques et qui devrait engranger du chiffre d’affaires sur les contrats passés pour la diffusion des chaînes de la future télévision numérique terrestre (TNT) » (Les Echos, 7 décembre 2004).

II. Presse écrite

 Gratuits. Le quotidien gratuit 20 Minutes toucherait une audience de plus de 2 millions de lecteurs à Paris, Lyon, Marseille, Lille selon une étude (ISL), 56% des lecteurs ont moins des 35 ans, plus de 90% étant des actifs ou des étudiants (du bon gibier) fait savoir Stratégies Newsletter (11 décembre 2004). Pour le rejoindre, son concurrent Métro s’est lancé à Nice, qui en a certainement besoin.

 PQN - Recapitalisation du Monde. Le Figaro du 23 décembre 2004 donne la parole Jean-Marie Colombani qui « s’exprime » et « demande à la nouvelle équipe (sous la houlette de Gérard Courtois, à la place d’Edwy Plenel par exemple - nldr) récemment mise en place à la tête du journal de donner des signes clairs de changement ».

Mais l’autre signal clair de changement, donné par Colombani lui-même, l’est en direction du capital. Le déficit de 30 millions d’euros a pour conséquence le plan de départs volontaires portant sur 92 personnes ; ce plan, est « complété » par le choix de la vente d’actions pour obtenir 55 millions d’euros, dont 10 millions financeront la « recapitalisation » du groupe en faisant « baisser la part des actionnaires dans le Monde SA en dessous du seuil de 15% ».

Selon Les Echos du 31 décembre, les chiffres seraient les suivants : : « Perte de 25 millions d’euros au titre de l’année 2003, qui porte à 54 millions d’euros ses déficits cumulés en trois ans. La dette, de son côté, s’élève à 130 millions d’euros. »

  Marianne s’interroge. Pendant que Jean-François Kahn, son patron, conseille France-Soir et donne des conférences sur le « pouvoir médiatique en question » (encart dans Marianne, le 11 décembre 2004), Philipe Cohen s’interroge sur la fin des pouvoir des journalistes du Monde et de Libération (article dans Marianne, le 11 décembre 2004).

 Magazines culturels. Trop-plein + récession publicitaire + tassement des ventes = darwinisme : Nova magazine et Aden s’arrêtent définitivement. Et Zurban souffre : « Les citymagazines culturels en crise » (Le Parisien, 6 décembre 2004).

 Lancements. Recensement non exhaustif :

- Emap France prépare le lancement de Mixte, un « magazine générationnel haut de gamme » (communiqué).

- Le groupe Milan Presse (groupe Bayard Presse), lance un magazine destiné aux filles de 8 à 12 ans : Zaza Mimosa.

- La société de presse indépendante WA Presse lance Pop Up nouvelles technologies dans la société
OnePress, lance iCreate.

- Le Groupe Entreprendre / Robert Lafont lance L’Essentiel de la photo.

- Les Editions Signes de Caractère lancent Non-Stop qui vise « à partager les richesses de l’information, avec la volonté d’être défricheur » - à partir de dépêches AFP « pas vues ailleurs ».

III- Edition

 Editis et la rentabilité. Le groupe d’édition Editis (Wendel Investissement) a fait son petit bilan de fin d’année sous forme de feuille de route. A l’horizon 2006, il devra se séparer de Larousse et de son ancien pôle universitaire (Dalloz, Dunod, Armand Colin) qui, sur décision de Bruxelles, restent chez son désormais concurrent Lagardère.

Soit une perte de 15 % - ou un manque à gagner en terme de chiffre d’affaires qui sera de 122 millions d’euros sur les 714 millions, selon Alain Kouck, PDG d’Editis. « Avec déjà six nouveaux contrats, dont le Lonely Planet, nous pensons compenser avant 2007 », rassure-t-il, dans cette interview accordée à La Tribune (17 décembre 2004). « Notre stratégie de développement est très claire et notre groupe est totalement opérationnel  » : le fait que Kouck n’évoque en aucun cas sa politique éditoriale, mais sorte un discours de businessman est, pour le moins, symptomatique.

- Le Seuil critique(- é). Mauvaise passe (et presse) pour les Editions du Seuil, rachetées en mars dernier par Hervé de La Martinière : démissions de cadres, départs d’auteurs et d’éditeurs distribués par Volumen, colère des libraires... « Un an de malaise dans la maison », selon (entre autres Libération du 22 décembre 2004).

A noter, ce « Rebonds » (avant son conseil d’administration) offert par Libération, le 21 décembre 2004 à Hervé La Martinière, qui sait à qui s’adresser pour rassurer : « J’ai eu un conseil d’administration jeudi, et mes actionnaires comprennent parfaitement la situation. Globalement, l’année est bonne, y compris pour la plupart de nos diffusés dont certains ont même des taux de progression à plus de deux chiffres. En ce qui nous concerne, le chiffre d’affaires du groupe est à + 4,3 % à fin novembre ».

 Bertelsmann. « France Loisirs veut prendre le contrôle conjoint du Grand Livre du Mois » (Les Echos du 22 décembre 2004.)

IV. Et pour finir l’année ...

 (Dé) former des journalistes ? « Nicolas Beytout, directeur de la rédaction du Figaro, Hervé Brusini, directeur adjoint de l’information à France 3, Alain Genestar, directeur général de Paris Match, et Etienne Mougeotte, vice-président de TF1 seront professeurs, annonce l’école Science Po » (AFP, 14 décembre 2004). Enseigner aux futurs petits soldats de soldats du journalisme ? L’enjeu doit être de taille pour que l’école ait su et pu réunir ce quarteron, qu’on imagine déjà fort occupé, de très hauts gradés (lire De la noblesse médiatique : la formation des journalistes selon Sciences Po dans notre rubrique Formations au journalisme).

 
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