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L’actualité des médias n°33 (23 oct.-15 nov. 2004)

par William Salama,


I. Publicité et ressources

 Investissements publicitaires. La grande distribution et l’industrie de biens de consommations (denrées, hygiène-beauté, lessives) qui « auraient » baissé leurs prix sous l’impulsion médiatique de Nicolas Sarkozy, ont dû tellement s’en convaincre qu’ils ont décidé, pour épargner leurs marges astronomiques, de rogner leurs budgets publicitaires.

Conséquence : vent de panique pour la télévision, seule victime des coupes sombres. Affichant habituellement des hausses mensuelles situées entre 6,1% et 12,6%, la télévision accuse une baisse de sa croissance ce mois de septembre 2004 : soit un taux de 2,9% (TNS Media intelligence), alors que l’ensemble des médias affichent une hausse de 8,8 % - leur plus faible taux de progression mensuelle.

Pour information, du 4 au 10 octobre 2004, en télévision, les 3 premiers annonceurs sont MacDonald’s (2294 milliers d’euros), Renault (1954), Neuf Telecom et Canal Satellite (1493 et 1428) ; en radio : Renault (2547), Peugeot (1417) et Mr Bricolage (1403) et en presse écrite : Toyota (2174), IBM (1789) et Rolex (1698) (Stratégies du 28 octobre 2004).

 Tout va bien à TF 1. Certains peuvent moins s’inquiéter d’autres. Ainsi, les recettes publicitaires nettes de TF 1 ont progressé de 6,8%, sa croissance cumulée du chiffre d’affaires publicitaires est de 6,6% (1,189 milliards d’euros).

 Impact publicitaire de la télévision sur les enfants. Enfin, pour le plus grand bonheur de TF1- Publicité, c’est à la télévision que la publicité s’avère le plus efficace : 86 % des enfants interrogés déclarent que les messages TV sont ceux qu’ils connaissent le mieux, 72 % que œ sont ceux auxquels ils sont le plus attentifs, 81 % ceux qu’ils retiennent le mieux et enfin 73 % ceux qui donnent le plus envie d’acheter (Stratégies, 28 octobre 2004).

 Investissements publicitaires en presse gratuite. Voilà une statistique qui aura de quoi déprimer encore plus les payants, selon l’étude Presse Première de TNS Média Intelligence [1] note une évolution positive de 19 % du volume de pages publicitaires de la presse gratuite d’information, au mois de septembre 2004 (159 pour 20 minutes et 160 pour Metro Paris ). La presse quotidienne payante recule de 6% sur la même période.

II. Audiovisuel



 TNT, lancement confirmé. Option confirmée pour la norme MPEG 2 , a décrété Jean-Pierre Raffarin (le Premier Ministre). La « démocratique » sera disponible avec un décodeur sans changer de récepteurs, et permettra donc le démarrage des nouvelles chaînes hertziennes « gratuites » en mars 2005. Il faudra tout de même débourser pour le décodeur la somme de 50 euros minimum.

Pour les chaînes payantes, la décision est renvoyée à décembre avec pour dernière épine en date (en attendant les autres...) : le lancement du format de la haute définition (MPEG-4) sur les réseaux hertziens, activement soutenu par le lobby de TF1 et M6. Car, rappelle La Tribune du 10 novembre 2004, « cette nouvelle génération de télévision consomme beaucoup de capacités de diffusion. Il n’y aura donc pas de la place pour toutes les chaînes. Comment sélectionner les heureux élus de la télévision de demain et éconduire les autres groupes audiovisuels ? Sur quels critères ? »

Mais l’essentiel pour le lobby, est bien

- que le lancement de la MPEG - 4 est de toute façon sinon inéluctable de par la volonté industrielle, du moins obligatoire « en regard d’une directive européenne », selon Le Figaro Economie du 23 octobre 2004.

- que, par ailleurs, « Devedjian persiste et signe sur la TNT » - c’est-à-dire sur la norme payante, selon La Tribune du 25 octobre 2004.

- et, enfin, que la bourse ait « [salué] la future arrivée de la TNT » selon La Tribune du 10 novembre 2004.

 Chaînes thématiques, lobbying. Interview du président de l’association des chaînes du câble et du satellite (Access, à laquelle n’appartiennent ni M6, ni TF 1) dans Le Figaro Economie du 27 octobre 2004. Philippe Brion veut de l’argent de l’Etat : un « financement » pour que le compte de soutien [de l’Etat] permette aux « chaînes thématiques d’améliorer la qualité des contenus » en développant les réseaux de diffusion (ADSL, mobiles, TNT ...) pour « sortir le Paf de complément de 25 % de pénétration, de 12 % d’audience et de 4 % des recettes publicitaires ».

 Chaînes privées, lobbying. Et un lobby de plus, TF1, Canal+ et M6 créent le Syndicat des télévisions privées (STP). Une « initiative [qui] marque la volonté commune des trois grands acteurs du monde de l’audiovisuel privé de prendre leur place au sein des organismes paritaires du secteur et de mettre en commun leurs réflexions sur les évolutions en cours dans le domaine social » (Communiqué commun du 27 octobre 2004). Une association de bienfaiteurs, en somme...

 Chaîne d‘information Internationale. Des nouvelles (peu glorieuses pour Jacques Chirac et sa promesse), du député Patrice Martin-Lalande (UMP) estimant qu’il « est préférable de prendre son temps pour le lancement de la future chaîne française d’information internationale (CFII ou CII) [...] » (Le Figaro du 4 novembre 2004). Il sait de quoi il cause, en rapporteur du budget de la Culture et de la communication pour la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Lire ici même le Communiqué du Snrt-CGT et du Snj-CGT.

 TV locales. C’est NRJ que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a sélectionné le 3 novembre 2004 pour faire prospérer la télévision locale de Montpellier. A Marseille, TV7 échoit à La Provence, au groupe AB et... à la Caisse d’épargne. A Nîmes, le CSA s’est prononcé pour Télé Miroir, une société qui semble peu carnivore et en partenariat avec les collectivités locales. Précision : c’était sur l’unique candidat. Nîmes ne doit pas être giboyeux en termes de potentiel.

- Business - diffusion. France Telecom se retire définitivement de TDF en vendant 36 % de ses parts restantes aux fonds d’investissement britannique Charterhouse qui devient majoritaire [2]. TDF quitte donc le giron du service public comme l’autorise désormais la loi paquet télécoms. Le Comité d’entreprise est évidemment contre (Le Figaro Economie, 4 novembre 2004).

 Chaînes hématiques, Pink TV. La surmédiatisation atypique qui a célébré le lancement de Pink Tv se comprend ainsi : TF1 en est actionnaire. Détails à charge, cette chaîne a été lancée en direct lors du JT de 20h de la Une le 26 octobre 2004, et c’est TF1 Publicité qui a communiqué par ailleurs sur les annonceurs présents lors du lancement dont de Nissan, Kellogg’s, Bouygues Telecom, Areva, Universal Music, EMI...

 Financement : péril pour les radios libres. Dans un communiqué en date du 27 octobre 2004, la Confédération nationale des radios libres (CNRL), alerte. Les radios indépendantes sont « menacées » par un sous-financement chronique (le fonds de soutien porte mal son non), une pression fiscale « des majorations ». « Nos radios sont financées au rabais depuis des années, alors que tout le monde s’accorde à reconnaître qu’elles sont un complément indispensable, à côté du service public et du secteur commercial », rappelle la Confédération.

 Redistribution des fréquences radios : deuxième péril. A peine le Conseil supérieur de l’audiovisuel vient-il d’annoncer qu’il se met au travail sur le projet « FM 2006 » qui consiste à remettre à plat l’attribution des fréquences et les redistribuer, que le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti) s’est déclaré contre. Motif : il ne serait fait que pour « satisfaire les opérateurs nationaux » (NRJ, Bertelsmann, Radio France, Lagardère ...) »
en omettant de prendre en considération les autres moyens de diffusion de la FM. Elles craignent de tomber par ailleurs dans le piège d’un gel des fréquences jusqu’en 2010.

- Business du sport et droits télévisés, diffusion. Le football déchire Canal Plus (représentant CanalSatellite) et TF 1 (TPS), et passionne nos médias - très inspirés - qui désignent comme un « match » ce qui n’est trivialement que la poursuite d’enchères ascendantes (au plus offrant - Les Echos) et de coup bas. Ces enchères ont commencé le 5 novembre 2004. L’enjeu est d’acheter pour 500 (minimum) millions d’euros les droits de retransmission du championnat de France pour les 3 ans à venir.

C’est la surenchère note La Croix du 29 octobre 2004. Certes, mais également une surenchère de casseroles pour le détenteur historique Canal Plus : Canal est « pointée du doigt » comme le dit joliment L’Equipe, 27 octobre. « par une plainte de l’APPAC, l’Association des petits porteurs d’actifs Canal + qui dénonce les contrats que la chaîne a signés en 1999 avec les six membres du Club Europe (Marseille, Paris-SG, Lyon, Monaco, Lens et Bordeaux) et s’interroge sur les destinations de cet argent. »

Mais à l’horizon la convergence, notamment de la télévision sur mobile, annonce quelques grincements : « Les clubs veulent diffuser les matchs en ADSL » révèle ainsi Le Figaro Economie du 28 octobre 2004. Ce qui se comprend : pourquoi ne pas conserver eux-mêmes, ce qu’ils vendent avec une certain déperdition, c’est-à-dire la diffusion ?

Par ailleurs, France Télécom, Free et Neuf Telecom montrent leur intérêt pour les droits de retransmission de la Ligue de football professionnel. « Les télécoms convoitent le ballon rond » - Le Figaro Economie du 13 novembre 2004 qui y voit « une révolution dans le landerneau »

Et même Philippe Reclus du Figaro (c’est dire...) se fend d’un éditorial, le 6 novembre 2004, tout en pressentiments : « Les enjeux sont tels qu’on peut redouter qu’ils justifient autant de coups et de surenchères qui n’ont plus grand-chose à voir avec la logique économique [...] le modèle économique du football français continue de reposer aujourd’hui sur ce curieux équilibre entre la fragilité des chaînes et la cupidité des clubs n’a rien de rassurant. »

III. Presse écrite, Edition



 Economie des groupes. Dans un contexte de recul global du marché de la presse magazine (3 %), Cyber Press Puiblishing annonce une perte semestrielle de 3,4 millions d’euros et Prisma Presse une progression de sa diffusion de 3 % (Les Echos, 26 octobre 2004).

Le groupe Bayard a acquis la société américaine d’édition et de presse (chrétienne) Creative Communication for the Parish une opération qui permet à Bayard de doubler sa taille aux Etats-Unis, pays dont on sait qu’il est ravagé par l’obésité.

 Objectif argent de poche des juniors. Après TéléCinéObs et Paris Obs, le newsmagazine Le Nouvel Observateur a lancé un nouveau supplément, Paris Obs Junior. Une publication de 32 pages en format de poche (ou enfant) qui paraît 1er jeudi de chaque mois. Objectif de l’Obs : obtenir 400 pages de publicité en 2005.

 Lobbying et Indépendance. Un mythe égratigné ? « “Lot de consommation”, comment l’émission "Consomag" brade son indépendance » exagère Le Canard Enchaîné du 27 octobre 2004.

Consomag est l’émission de l’INC (qui publie par ailleurs 60 Millions de consommateurs) diffusée sur France2 chaque samedi, ne serait pas si indépendante que cela car financée par la CNAM en échange de reportages sur ses actions (de santé publique) et avec ses médecins imposés aux journalistes. A sa décharge, il faut rappeler que l’Etat n’a pas augmenté son budget depuis belle lurette, la fragilisant face aux lobbies de l’industrie dont l’institut de défense du consommateur sans publicité reste la bête noire.

Pour l’autre institution, à en croire Libération (« UFC contre-pouvoir d’achat » ; 2 novembre 2004), cela ne va pas mieux : « Au regard des puissants mouvements de consommateurs américains, l’UFC semble désarmée. Bercy confirme : “En France, le mouvement consumériste est atone et complètement éclaté”. Qui plus est, inexistant sur la scène européenne. Un intéressé renchérit : “A force de vouloir encadrer les associations de défense des consommateurs, les pouvoirs publics les ont paralysées”. » Voire... Car l’UFC-Que Choisir, entre autres combats, se montre pugnace et assez efficace, dans la période, dans sa lutte contre les tarifs bancaires abusif et contre ceux des appels des téléphones fixes vers les mobiles. Deux chevaux de bataille qui sont par ailleurs assez bien perçus et salués par la presse.

  France Soir dans ses oeuvres. Raymond Lakah, le nouveau patron de « France Soir », a compris comment faire parler de lui.

- Le 25 octobre 2004, il déclare (pince-sans-rires ?) vouloir augmenter les ventes de 50 % (Le Figaro Economie, 25 octobre 2004).

- Le 28 octobre 2004, il donne dans le fait divers (un hommage au titre ?) « en frappant » et « blessant » pour une histoire d’argent, deux consultants s’estimant floués (Libération, 29 octobre 2004).

- Et, le 3 novembre 2004, son journal fait ce qu’il faut bien appeler une connerie qui sera cordialement rapportée par Le Monde, le 4, dans une brève « Ben Laden vote en Corse » que nous reproduisons : « France soir s’est arraché, lundi 1er novembre 2004 en Corse, dans un gigantesque éclat de rire, et la "une" du quotidien, vite introuvable, a été affichée dans les cafés. L’hémicycle du photomontage d’Oussama Ben Laden est en effet celui de l’Assemblée de Corse, et les insulaires ont facilement reconnu les individus floutés à l’arrière-plan : à gauche, José Rossi, le président de l’Agence du développement économique ; à droite, Ange Santini, celui de l’exécutif, scandalisé par cette "pitrerie". "J’avais demandé une photo d’urne, s’excuse André Bercoff, le directeur de la rédaction. Sincèrement, il n’y avait aucune intention de nuire. »

  Le Monde sur la pente descendante. Le Monde a vu sa parution baisser de 10,5 %, a perdu au choix (selon les sources) entre 22 et 58 millions d’euros et a annoncé en septembre la suppression de 90 postes rappelle La Tribune, seule information fraîche (et qui motivait certainement cette brève) : le Comité d’entreprise, s’est tenu la veille le 29 octobre 2004 « sur fond de plan social ». Merci à La Tribune pour l’information.

En voici d’autres : les conditions de départ, dont le coût s’élèverait à 10 millions d’euros, ne seront fixées que le 18 novembre 2004 lors d’un conseil d’entreprise extraordinaire. l’Assemblée générale du personnel, du 8 novembre 2004, a demandé à ce que les départs se fassent sur la base du volontariat.

Enfin, Jean-Marie Colombani, président du directoire, a affirmé mardi le 9 novembre 2004 sur la chaîne Public Sénat, que “le journal n’était pas dans une phase de recherche d’actionnaires”. Cette déclaration fait suite à l’annonce par La Tribune et Handelsblatt d’une possible ouverture du capital du quotidien à hauteur de 25%.

  Libération et Bolloré. Si le ton est badin, l’intention l’est moins : « Vincent Bolloré mène des conversations avec Libération » annonçait Les Echos du 4 novembre 2004. Le lendemain dans le quotidien concerné, le démenti était cinglant et, signe qui ne trompe pas, signé Serge July.

Ceci posé, le 10 novembre 2004, L’Humanité relayait que « Les élus du syndicat SUD du quotidien Libération ont appelé hier à une assemblée générale du personnel, pour s’opposer à une éventuelle « entrée en force » du groupe Bolloré dans le capital du journal. Le syndicat estime que « l’entrée d’un groupe financier, marqué par ses jeux d’influence et ses puissants réseaux politiques franco-africains, risque d’ouvrir une nouvelle page dans l’histoire, récente, d’une perte progressive d’indépendance de la presse française ».

Voir, ici même : « Vincent Bolloré : l’ex-roi du papier à cigarettes, nouvel empereur des médias ? »

 Arléa se vend à LVMH [3]. L’éditeur indépendant Arléa, qui connaissait de graves difficultés, a été racheté (« sauvé », disent ses dirigeants) par Bernard Arnault et son groupe du luxe Louis Vuitton Moët Hennessy, et intégré à son groupe de presse DI Group, qui comprend notamment La Tribune, Investir, Connaissance des Arts et Radio Classique. Déclaration des dirigeants au journal Le Monde (« Le Monde des Livres », 15 octobre 2004) : « Bien sûr, nous avons bien songé à quelques arrière-pensées derrière la proposition de LVMH, mais si Bernard Arnault avait des vues sur l’édition, il n’aurait pas commencé par Arléa »

 
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Notes

[1Encore TNS, au moins ne souffre-t-il, lui, pas des turpitudes de la publicité...

[219,5 % sont détenus par CDC Entreprises Equity Capital, 9 % par la Caisse des dépôts et 0,8 % par les salariés, ayant déjà acheté 34,7 % 2002.

[3Information relevée par Daniel Sauvaget.

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