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L’actualité des médias n°10 (16-28 septembre 2003)

par William Salama,

I. LES MEDIAS

 Télévision payante. C’est la guerre dans le PAF entre les opérateurs du câble et du satellite : offres commerciales, recapitalisation stratégique (de Canal Plus - c’est-à-dire aussi de Canal Satellite par Vivendi Universal « à hauteur de 3 milliards d’euros » Le Monde, 26 septembre), lobbying, déclarations.

C’est sur le territoire national que l’ambition du Groupe Canal Plus et de TF1 et leur concurrence s’exacerbent : «  TF1 va devenir le leader français de la télévision payante  » dixit Patrick Le Lay (Les Echos, 10 septembre). Exit ainsi « le titre de premier groupe de télévision à péage » revendiqué par Canal Plus, il y a encore quelques années (Le Monde, 26 septembre).

C’est que tout va vite à l’international. Ruppert Murdoch, maître de NewsCorp, vient d’avancer un nouveau pion dans la course pathologique à l’hégémonisme, en s’offrant Canal Plus Technologies. En clair : « la technologie des décodeurs » dont il a désormais la maîtrise totale.
Le Figaro Economie (15 septembre) en conclut que depuis « l’effondrement de Kirch », NewsCorp n’a plus de « concurrents sérieux dans la télévision payante en Europe ».
Le même Murdoch qui la semaine suivante "dynastise" son empire en offrant à son fils James la direction de son bouquet satellitaire anglais (Bskyb) (Les Echos, Le Figaro, Libération du 24 septembre).

Le satellite est verrouillé ? Qu’à cela ne tienne, il reste l’ADSL « devenu un enjeu majeur » depuis peu («  Mobilisation générale autour du câble », Les Echos, 15 septembre). Surtout pour TF1 [1].
Anticipant la loi qui « entérine la convergence entre l’audiovisuel et les télécoms [...] en faisant passer les réseaux câblés sous le régime des réseaux télécoms (et les libèrera de ce fait) aussi de plusieurs contraintes et notamment du fameux seuil anticoncentration », loi que le gouvernement pressé par Bruxelles va faire passer incessamment, TPS (66 % de TF1), bien informé, a lancé un essai ADSL récemment, fâchant Numéricâble (Groupe Canal Plus), qui « dénonce le double jeu de France Telecom » (CB News, 15 septembre, plus de détails dans La Tribune, 18 septembre),
Quant à Patrick Leleu, PDG de Noos (mis en vente par Suez), il s’étonne de «  voir que quand France Telecom retrouve tout juste une capacité d’investissement - grâce au contribuable - il investit pour TF1  » (La Tribune, 24 septembre).

Mais les opérateurs du satellite et du câble savent aussi s’entendre... Comme si cela ne suffisait pas, la réforme de la redevance est revenue sur le tapis. Le Figaro Economie a jeté de l’huile sur le feu en affirmant (23 septembre) que « Bercy pourrait consulter les fichiers d’abonnés du câble et du satellite » pour identifier et faire rendre gorge les « fraudeurs anonymes ». Tollé immédiat et unanime : le 24 « les télévisons payantes s’élèvent contre le projet de loi sur la redevance  » (Les Echos).
Pas tant en vertu de la protection de la vie privée, mais parce qu’ils « craignent des désabonnements » (Le Figaro Economie, 24 septembre).

 Privatisation de France Télévisions. Si l’on s’en réfère à La Tribune du 19 septembre (« un feuilleton à rebondissement chez France 2 »), improbable en l’état actuel des sondages sur Raffarin, elle est toutefois étudiée par le Trésor pour « l’horizon 2007 ». Horizon qui coïncide - bel hasard - avec la date de l’ouverture des écrans aux secteurs interdits.

En effet, l’afflux de spots prévus lors de cette ouverture se traduira par une manne que France 2 et 3 ne pourront pas capter, étant limités dans leur quota de diffusion. Manne qui se concentrera sur les privées M6 et TF1 - TF1 déjà « rafle plus de la moitié des dépenses publicitaire en télévision... avec moins de 33 % de parts de marché ». A moins qu’une loi ne change cet encadrement...

 TV Breizh et TF1. TF1 a signifié son intention d’augmenter sa participation, pour y devenir majoritaire, dans la chaîne régionaliste, chère aux Bretons Patrick Le Lay, PDG de TF1, et Patrick Poivre d’Arvor (Les Echos, 23 septembre).

 ProSiebenSat.1 et TF1. Guillaume de Posch, ex-directeur adjoint de TPS (groupe TF1) entre dans le groupe allemand ProSiebenSat.1 en tant que directeur des opérations (Les Echos, 19 septembre).
Rappel, Patrick Le Lay, dans Les Echos (10 septembre) : « En rejoignant ProsiebenSat1, Guillaume de Posch réalise un projet personnel. Il est possible toutefois que sa présence chez ProsiebenSat1, conjuguée au fait que Haïm Saban, que nous connaissons depuis longtemps, fasse partie du conseil d’administration de TF1, facilite les relations entre nos deux groupes. Nous allons essayer de développer des synergies avec ce groupe  ».

  RFO et FranceTélévisions. RFO n’échappera pas à l’intégration au sein de la holding France Télévisions, malgré le seul avis d’André-Michel Besse, cle patron de RFO  », qui militait pour un « adossement » (Le Figaro Economie, 23 septembre).

 Vente de M6. Lagardère l’ayant refusé pour raisons stratégiques (lire l’Actualité des médias n°9, rubrique PAF), Suez peine toujours à céder ses 37,63 % de M6. Même les fonds d’investissements boudent la chaîne. Motif : ils n’obtiendraient pas de pouvoir face au 47,5 % de l’autre actionnaire majoritaire, RTL Group (Bertelsmann). Restent les fonds de pension (Les Echos, 17 septembre : « Suez face au casse-tête de la cession de sa part dans M6  »).

 AFP. Alerté par une fuite des Echos, (16 septembre) l’intersyndicale (lire : « Halte à la casse ! » par Sud-AFP) et la SDJ (Société des journalistes) ont court-circuité, par une grève du desk, la tentation de Bertrand Eveno, président de l’AFP, de mettre en place un crédit-bail de « 12 ou 18 ans » sur le siège de l’agence (en d’autres termes, une hypothèque hasardeuse du siège au profit d’ « un consortium d’assureurs »). Ce qui a par ailleurs permis à L’Humanité (17 septembre) de gratifier ses lecteurs d’une séquence de poésie réaliste : « Place de la Bourse, on entend le bruit des frottements de mains des immobiliers comme on entend les cigales au début de l’été en Provence  ».
Le problème de financement reste entier, face au désengagement de l’Etat (« Tous voient dans ce recours à un "expédient financier" l’indice que l’Etat se lave les mains du sort de l’agence alors qu’il représente 40 % de ses recettes  » commente Libération du 18 septembre). Les syndicats veillent.

 Périodiques. Lancements en pagaille « malgré un contexte économique maussade  » (Stratégies, 18 septembre : « une rentrée à gros tirage »). D’abord dans le segment des "féminins" (un gros support publicitaire, rappelons-le) avec notamment Glamour (Condé Nast) ou Merlin ; ensuite segment "dépensez donc votre argent" avec Savoir s’enrichir de Paul-Loup Sulitzer défini comme un « Voici ou Gala de l’économique » (un Capital bis, en somme) ; enfin le segment "sport" avec l’annonce d’un gratuit au nom de code SP magazine ; et bien sûr le segment "télé" avec un magazine conçu par les frères Siegel (ex-VSD) et qui serait délivré en hypermarché.

 PQN. Crédibilité, concurrence audiovisuelle, problématique des contenus éditoriaux, formats... CB News (15 septembre) propose un dossier complet sur le pourquoi du malheur de la PQN (presse quotidienne nationale) française, dont « le CA a reculé de 6 % et le CA publicitaire de 12 % ».

Par ailleurs, lire dans la Correspondance de la presse du 23 septembre pourquoi « La presse quotidienne nationale enregistre un net recul (-3,9%) de son audience, selon les résultats intermédiaires de l’étude EuroPQN (cumul 2ème semestre 2002 et 1er semestre 2003) ».

Dans ce contexte de repli et dans la perspective de l’ouverture des secteurs interdits, Philippe Val explique pourquoi l’intérêt croissant des annonceurs envers les quotidiens gratuits (TF1 vient de racheter Metro) est un danger pour les payants et, carrément, pour la démocratie (« Métro, Métro, Métro », Charlie Hebdo, 24 septembre).

Article à mettre ensuite en rapport ou en balance avec cette invasion de "gratuits" que Libération annonce dans « Rentrée en fanfare », 24 septembre (lire aussi, pour plus de détails « la presse gratuite se sent pousser des ailes en France » dans La Tribune du 26 septembre).

 Nouvelle formule de Libération. Le 15 septembre, Serge July, dans un long article, a annoncé une nouvelle formule de Libération pour le 13 octobre. Libération n’est pas au mieux financièrement. Le patron du quotidien trentenaire explique cette mauvaise passe (qui l’a conduit à " dégraisser ") par la « récession du marché publicitaire », et l’érosion de ses ventes (qui n’est pas expliquée par Serge July). Il donne aussi une interview dans Stratégies (très lu par les annonceurs) du 25 septembre.
Signalons toutefois, en écho, cet article sur El Mundo (toujours dans Libération, 16 septembre) qui note que le quotidien espagnol a décidé d’offrir des « DVD par milliers » à ses lecteurs pour « doper » ses ventes.
Une idée qui chemine (France-Soir et Le Point s’y sont essayés avec des livres)...

 Nouvelle formule des Echos. Le 15 septembre Les Echos (groupe Pearson) lançait la sienne, après « un investissement de 7 millions d’euros. Quatre numéros zéro, plus de trente tables rondes avec des lecteurs, des dizaines de réunions avec les équipes du journal (...) Sans parler de déjeuners avec tout ce que Paris et la province comptent de publicitaires et de patron...  » (Challenges, 25 septembre).
Au final, deux cahiers distincts (l’un dédié à l’économie et l’autre aux entreprises) et de format berlinois, comme le Financial Times (groupe Pearson, également).
Derrière ce lancement, Libération voit « un sacré changement industriel  » à savoir l’utilisation de l’imprimerie du Monde à Paris, et celles des « quotidiens L’Alsace, la Dépêche du Midi, Midi Libre et Ouest-France » en province.
Lire aussi le portrait de Nicolas Beytout , « le manitou » des Echos, « bien de droite  » - encore dans Libération du 15.

 Mouvements, nominations. La Tribune (Groupe DI, appartenant à LVMH) a vite riposté aux Echos qui, il est vrai, veulent « définitivement (l’) évincer » (Challenges, 25 septembre) en remplaçant Philippe Mudry, directeur de la rédaction depuis sept ans, par François-Xavier Piétri, transfuge d’Investir (du même Groupe DI).
Toujours dans la même boutique, parachutage depuis le Groupe Conde Nast de François Dieulesaint en qualité de directeur général éditeur (détails, et plus, dans Le Monde du 24 septembre).

Jean-Paul Charmes est nommé à la direction de la communication du Monde (portrait et missions assignées - dont « le dossier ultrasensible » du procès de La Face cachée du Monde - dans CB News, 22 septembre).

 EMAP. Titre pudique du Figaro Economie du 23 septembre : « EMAP poursuit l’intégration d’Excelsior  », notamment en " désintégrant " le magazine Vital.

II. LES INFOS

 Diversité culturelle. Alerte. Le danger n’est pas qu’intérieur (cf. Le conseil d’Etat consacre une œuvre : « Popstars ») : « Les Etats-Unis s’attaquent à la diversité culturelle » prévient Le Figaro Economie du 20 septembre : « pour eux, tout système de protection, toute aide ne fait qu’entraver les flux de marchandises et des produits culturels. »

 Politique et télévision. Dans « La politique doit-elle être télégénique ? », Télérama (17 septembre) a entrepris de lister les émissions " citoyennes " du petit écran. Elles font florès.
Mais l’hebdo télé ne mentionne pas l’idée de Marc Autheman (ex-Europe 1, RTL Télévision, France 2) qui quitte France 3 « pour bâtir un projet de chaîne baptisé ’’Chaos télévision’’ » (L’Humanité, 17 septembre). Il cherche de l’argent.

 Communication et information. Depuis la rubrique « le journal du communicant de Matignon » (Charlie Hebdo), jusqu’au pages récentes des médias populaires et généralistes : « Prime-Time à Matignon » (Libération, 20 septembre), « le forçat de la com’ » (Le Parisien, idem), Raffarin cerné ne peut plus rien dire ni faire sans qu’il soit "décrypté" à travers le prisme de la communication politique ...

Si seulement les lecteurs apprenaient que les ravages de la "com" dans les médias ne sont pas uniquement un agissement politique, mais concernent chaque rubrique (économique, culturel, sportif) (cf. L’Actualité des médias n°1, rubrique « Journalisme économique et communication »).

Enfin, visitez le site d’une agence de communication américaine qui propose des communiqués de presse mais façon lancement de journal télévisé. Méfiez-vous des imitations. A moins que ce ne soit finalement trop tard.

 Rentrée sociale. A en croire Le Monde (17 septembre), les « acteurs du mouvement social », « en mal de communication » (sic) n’ont vraiment pas à crier au loup. Le quotidien a interrogé les patrons des rédactions de nos chaînes télévisées, lesquels s’effarouchent. Olivier Mazerolle : « nous n’avons rien à nous reprocher, hier comme aujourd’hui » (ce qui est exact car rien n’a changé : lire sur le site de PLPL : Ouvriers et employés interdits de « débats »), Hervé Brusini : « sur France 3, le débat a lieu tous les jours », et même son de cloche chez Robert Namias de TF1 ou Jean-Claude Dassier de LCI. Soit, mais il faudrait alors se mettre d’accord : Jean-Claude Allanic, le pourtant médiateur de France 2 note que « le fond de la grève n’était pas assez expliqué  ».
Question : l’expression rebattue de "rentrée sociale" n’est-elle pas une invention sémantique qui circonscrit dans le temps un fantasme journalistique, et réduit à un gimmick accrocheur un mouvement hétérogène et pérenne ?

 Droits d’auteur. Il en a été question à deux reprises.
D’abord concernant un procès remporté par Cadys Sosnowsky contre Jean-Pierre Elkabbach, Mazarine Pingeot, Gilbert et Jean-Christophe Mitterand pour "contrefaçon". Ces derniers ne l’avaient pas crédité au générique d’un documentaire sur feu François Mitterand, s’appropriant la réalisation . Ils devront verser 166 000 euros en réparation (Libération, « le père caché des entretiens Mitterand-Elkabbach », 15 septembre).

Ensuite, un article relatif à la très controversée SCAM (société des auteurs multimédia) dont les membres de la commission Télévision sont mis en cause par un rapport, car : « ils s’accordaient à eux-mêmes des droits d’auteur plus élevés qu’ils auraient dû toucher en principe ».

Libération (19 septembre) qui relaie cette information sort un nom : « Daniel Edinger, élu de la CGT » (sic) qui s’inscrit en faux contre cette accusation.

 Judiciarisation de l’édition. En arrière-plan de la « polémique » relative au livre d’une certaine Shan Sa, il y a « toute la recomposition du paysage de l’édition française après le rachat [bloqué à par Bruxelles] de Vivendi par Lagardère » (Interview de l’avocat Emmanuel Pierrat, Le Figaro, 22 septembre).
Par ailleurs, certains ont dû esquisser un sourire devant cet éditorial outré du Monde (« L’argent des lettres », 21 septembre) : « Ce procès a choqué un certain nombre d’écrivains et d’éditeurs en raison de la violence faite à l’auteur et au roman. [...] Certains livres disparaissent parfois ou sont longuement retardés dans la plus grande discrétion  ».

 Affaire Alègre-Baudis. Il y a d’abord eut "l’affaire Alègre", ensuite "l’affaire Alègre-Baudis" et depuis le 18 septembre, dès qu’il fut blanchi par son accusatrice, "l’affaire de la médiatisation de l’affaire Alègre-Baudis".

Car un psychodrame, assez juteux et risible, est à l’affiche de nos médias , derechef via la PQR (presse quotidienne régionale), relayée par l’AFP : « Les médias se mettent en cause sur leur traitement de l’affaire Alègre  » (AFP).

Le 19 septembre, il n’y avait que Libération pour s’offusquer de ce que « l’affaire Baudis tourne à l’accusation des médias ». Antoine de Gaudemar, de Libération, aurait pu même écrire « certains » médias, tant les confrères s’en donnent à cœur joie dans la défausse en se drapant de dignité. Ainsi, du Figaro ou de La Croix (Bruno Frappat) qui moralisent en se sanctifiant d’avoir été «  à contre-courant de ceux qui donnent le ton aux médias et trônent à la foire au scoop  » (La Croix), ou bien, « On aurait pu, Le Figaro l’a fait, relever les invraisemblances de ces témoignages anonymes, s’interroger sur les motivations réelles de "Patricia", suspectée d’avoir été le "lieutenant" d’Alègre, mais non ! Toute élucubration accusatrice versée au dossier était aussitôt reproduite dans les médias. Au mépris de la présomption d’innocence, piétinée par un pseudo "journalisme d’investigation" ».

France-Soir (André Bercoff) semble par édito interposé rétorquer à ces zélateurs du grand journalisme : « l’on sait depuis Balzac que tout cela fabrique d’excellents feuilletons contre des médias blasés ».

A noter que Le Monde reste sobre. Et que le martyr Daniel Schneidermann tient sa revanche sur la censure (lire Schneidermann : censuré volontaire), ayant illico presto « prévu in extremis une émission spéciale baptisée sans ambiguïté "les ratés médiatiques de l’affaire Alègre" », AFP, 18 septembre).

Le 23 septembre : rebondissement - décès de "Djamel" - et ça repart. Ce qui donne l’occasion de juger sur pièce des intentions de la presse écrite. Si l’hypocrite conditionnel du suspense reste de mise, (il se « serait » suicidé ou « se serait donné la mort par asphyxie  » - Libération, Le Parisien), France-Soir, plus franc, consacre sa Une tonitruante (« mort mystérieusement ») au décés et charge la télévision (« Karl Zéro entretient le flou artistique » ou « la grande manip... »).

Dans toute cette remise en question, on en apprend de belles d’ailleurs sur le petit écran, France-Soir cite une journaliste de France 2, Florence Bouquillat, laquelle avait diffusé « un témoignage crapoteux » (sic) et qui « (plaide ) coupable [...] mais s’était rendue aux arguments de sa hiérarchie » . Sa hiérarchie, c’est Olivier Mazerolle qu’on a pu entendre à « Arrêt sur images ». Libération évoque « une journalise qui lui aurait [à Djamel] laissé espérer un pactole de 50 000 euros ».

Verdict du Canard Enchaîné (23 septembre) : « Nombre de grands médias [...] n’ont pas fini de payer la note. Non seulement la crédibilité en a pris un nouveau coup, mais le public a pu entrevoir les arrières cuisines de certaines rédaction, avec versement de chèques et étranges connivences avec les ’’Informateurs’’ ».
« Le public a pu entrevoir » se satisfait Le Canard Enchaîné , peut-être, mais si le public en redemande ... Car le fait est que les rotatives n’en finissent plus de suer du Baudis ... (encore en pleine Une, nos hebdomadaires Le Nouvel Observateur et L’Express - 25 septembre - décident de dévoiler les « dessous » de l’affaire).

Mot de la fin, par l’historien Christian Delporte dans Stratégies (25 septembre) : « il faut rappeler que les dérapages médiatiques ne sont singulièrement ni plus nombreux ni plus sérieux qu’autrefois en matière de faits divers [...] Au fond, l’affaire Alègre-Baudis est une parfaite illustration des logiques qui commandent les médias contemporains : audience, concurrence, influence ». CQFD.

 « Les nouveaux poujadistes. » Dossier méprisant du Figaro Magazine (20 septembre) qui sert la soupe à son (é)lectorat (à la manière de Charlie Hebdo, bizarrement épargné) sur « les luttes corporatistes » de « l’ultragauche » (merci Fabius).

Qui sont-ils, ceux qui « tempêtent, dénoncent, manifestent » ? Ils osent... et inquiètent « l’ensemble des forces politiques, sociales et syndicales » et « contribuent par leurs blocages au retard politique, social, économique pris par notre pays ». Un beau panier garni : Bourdieu (cité), Bové, Laguiller, Birenbaum, Les Inrockuptibles, Meyssan, Marcelle (« Robespierre »), Karl Zéro (« télé corbeau  »), Montebourg (« la posture  »), Politis.

Et voilà où le bât blesse : c’est une vilaine haine qui suinte de ce dossier dans lequel les noms défilent. Un dossier nauséabond qui célèbre surtout les plus belles heures de la dénonciation dépréciative ou de l’amalgame le plus grotesque.

 Intermittents et audiovisuel. Dans « soutier à la télé », Guy Kokopnicki, de Marianne (22 septembre) dénonce l’hypocrisie des sociétés de prod’ (dont Endemol, dirigé par Arthur) : « Sur le plateau, les animateurs dénoncent volontiers les injustices et invitent souvent les défenseurs des bonnes causes. Mais hors caméra, c’est un autre paire de manche ». Soit.
Question : quand la presse écrite parlera-t-elle également de la façon dont elle traite ses pigistes ?

 Dominique Wolton. Le sociologue de médias se diversifie, car il est aussi spécialiste des téléphones mobiles (à moins qu’il ne considère la téléphonie comme un média d’information ?). Voir son interview dans France-Soir (20 septembre).

 Alain Bauer. Il sort de sa Loge (à l’issue de son mandat non renouvelable à la tête du Grand Orient) et met en avant sa casquette de « consultant en sécurité » pour suggérer dans Le Figaro (25 septembre) « la police peut déléguer des tâches au privé  ». Précision utile, Alain Bauer est également le patron d’une société de sûrété privée (lire " 275ème anniversaire de la Franc-Maçonnerie " dans L’actualité des médias n°4, et Un "grand maître " au service de la direction du Monde (et inversement)).

III. LES JOURNALISMES

 Michèle Cotta. Recasée chez Ab Sat qu’elle préside, elle vient d’être chargée d’une étude ’’préliminaire’’ (sic) sur la création d’une chaîne de foot par la LFP (Ligue de Football professionnelle) (Cb News, 15 septembre) [2] .

 Raymond Soubie et connivence information/pouvoir/médias. L’ex-chef de cabinet de nos têtes pesantes (Chaban, Barre, Chirac), aujourd’hui patron d’Altédia - une société de conseil en management et lobbying, mais plus encore conseiller de ses amis énarques au pouvoir est protraituré par Oncle Bernard dans (Charlie Hebdo (18 septembre). On peut lire aussi dans PLPL : « Raymond Soubie, un grand architecte de la démolition sociale ».
On lui doit ainsi l’opération de communication sur la réforme des retraites, à savoir le coûteux guide publicitaire envoyés à « 26 millions de foyers ». Mais Altédia « s’occupe aussi d’évaluer les besoin des grands médias : elle leur propose une information clé en main pour les grosses boites et recrute les journalistes pour les ménages ».

 Ménages à TF1 / Jean-Claude Narcy. Ménages comme le média-training, qui consiste à entraîner à parler bien (et pas forcément juste) aux médias. Et c’est le journaliste de TF1, Jean-Claude Narcy, qui a « raflé la plupart des contrats » imposés « aux sous-ministres » par le ’’spin-doctor’’ (lire " Tendances 1 " dans L’actualité des médias n°9) de Matignon Dominique Ambiel (Le Canard Enchaîné, 17 septembre, lire aussi "Raffarin rêve de médias policés").

 Ménages à TF1 / Anne Barrère. L’épouse de Robert Namias, directeur de l’info de TF1, l’ « embarasse » selon Le Point (19 septembre). Elle a accepté en effet un ménage à l’Elysée : un rôle de « consultante extérieure en communication pour aider Bernadette Chirac ». L’aider à quoi ? (Sur les ménages, lire également Les "ménages" des "stars" du journalisme et toute la rubrique Le journalisme d’élite).

 André Bercoff. A peine nommé directeur de la rédaction de France Soir, André Bercoff nous inflige ses « catoneries ». Exemples, le 17 septembre, au sujet des rémunérations exorbitantes des patrons : « il est sain que ce soit, comme toujours, l’Amérique qui nous ramène à la réalité  » ; le 25 au sujet de la harangue de Jean-François Mattei contre le tabac « si les faux culs volaient, Concorde n’aurait jamais fait faillite ».

IV. LES RESSOURCES

 A paraître. En octobre 2003, de Christian Vanderboght (avec la collaboration d’Eric Ouzounian), NETWAR/ un lien inactif est un neurone mort, essai, éditions SENS&TONKA.

 Idées / uniformisation sémantique. « A la télé et donc dans le monde actuel, un autre langage a gagné  » constate Philippe Lançon, (Charlie Hebdo, 18 septembre, « Après la mal-bouffe... la mal-langue »). Non dans la même veine, mais sur le même constat, et sur la « marionettisation » des journalistes, lire dans France-Soir (18 septembre), « Comment un reality show devient une affaire d’Etat » par le sociologue Arnaud-Aaron Upinsky.

 
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Notes

[1Comme l’explique Le Figaro Economie du 26 septembre, la TNT (télévision numérique terrestre) a été en effet contrainte à une nouvelle « pause » par le gouvernement qui n’a pas donné un « centime » du budget 2004 et mis hors-jeu France Télévisions, « la locomotive » du projet : « les 150 millions d’euros qui devaient initialement être affectés à la création de nouvelles chaînes ont été réinjectés dans le budget des trois chaînes existantes »...

[2Daniel Carton, ancien journaliste politique au Monde, écrit dans Bien entendu... c’est off (Albin Michel, 2003) : " Dans le métier, la " promotion canapé " est une réalité bien française. Elle peut même bénéficier parfois au complaisant compagnon officiel de ces dames. [...] Pierre Charpy, un vieux et sacré journaliste qui tenait La Lettre de la Nation, organe de diffusion des idées du RPR, et connaissait parfaitement les deux bonshommes, m’avait dit : " Chirac et Mitterrand n’ont qu’un point commun : la braguette. " J’avais pris cette sentence à la lettre. Le plus pittoresque fut de voir leur débat télévisé du second tour de la présidentielle de 1988 arbitré par Michèle Cotta. On préféra encenser le professionnalisme de la sympathique " Michèle ", ancienne présidente de Radio France, puis d’une Haute Autorité qui allait se transformer en CSA et qui, par la suite, allait être imposée par Chirac comme chroniqueuse politique sur RTL, en remplacement de l’intenable Philippe Alexandre, avant d’hériter de la direction générale de France 2. Ce genre d’histoire distrait le petit milieu mais ne gêne personne. " Lire "Bien entendu... c’est off". Extraits (2) (note d’Acrimed).

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