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Inverser la spirale et réinventer une presse à contre-courant

par Patrick Champagne,

Nous publions ci-dessous un article paru en « tribune libre » dans L’Humanité du 31 décembre 2004.

Depuis plusieurs années maintenant, on évoque de façon récurrente, toujours pour la déplorer, la « crise de la presse », crise qui concerne au premier chef un quotidien comme l’Humanité. L’expression désigne plus ou moins confusément diverses transformations majeures qui touchent, entre autres, le secteur de la presse écrite et se traduisent toujours par les mêmes conséquences, à savoir la suppression de nombreux quotidiens nationaux et régionaux, le déficit endémique des grands quotidiens nationaux, la disparition - ou la menace de disparition - de la presse politique, et aussi par des concentrations croissantes dans ce secteur qui est racheté par des marchands d’armes et des entrepreneurs de travaux publics fortement dépendants des commandes publiques. Il s’ensuit une offre de journaux de plus en plus réduite, un nombre croissant de quotidiens régionaux en situation de quasi-monopole et, plus globalement, un affaiblissement de la presse écrite par rapport aux médias audiovisuels. Les causes de cette situation sont multiples, complexes mais bien connues.

Le recul de la presse quotidienne qui s’efforce d’informer à contre-courant des opinions dominantes a également des causes spécifiques qui tiennent aux transformations externes à la presse, celles notamment qui caractérisent le champ politique, en particulier les effets engendrés par la composition et la situation de la classe ouvrière aujourd’hui, les formes contemporaines de militantisme liées à la montée du niveau d’instruction, le nouveau rapport à la politique de la population.

Si la presse de parti a vécu, une presse de parti pris est, et demeure indispensable. La diversité culturelle, sociale et politique se tient dans des limites trop étroites qu’il est souhaitable et possible de transgresser en proposant à la fois un autre journalisme et d’autres politiques, les deux choses étant, consciemment ou non, liées. Sans une transformation radicale du paysage médiatique, de plus en plus assujetti aux visées financières et politiques de quelques groupes, c’est le pluralisme démocratique qui continuera à dépérir. Il importe dès maintenant de réinventer une presse à contre-courant qui devrait proposer un autre traitement et une autre hiérarchisation de l’information. Mais, à la différence de la presse de parti, cette presse devrait se montrer ouverte au débat et à la confrontation, surtout lorsque cela dérange ses certitudes.

Le temps n’est plus où les journalistes de parti étaient censés dire à leurs lecteurs ce qu’ils devaient penser. Les journalistes, s’ils l’ont jamais eu, n’ont plus le monopole de la production de l’information et de la réflexion. L’exigence de participation n’est pas un simple habillage des possibilités offertes par les nouvelles technologies ou un simple gadget agité par les spécialistes du marketing. Son détournement démagogique par les médias dominants ne doit pas distraire de l’urgence de son investissement démocratique par une presse populaire. Ce combat-là pourrait être, notamment, celui de l’Humanité.

Patrick Champagne,
sociologue et co-animateur d’ACRIMED

 
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