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Communiqué d’Acrimed de novembre 1999

Fin des dérives de France Culture ?

par Acrimed,

Communiqué d’Acrimed, 29 novembre 1999 :
Fin des dérives de France Culture ?

La presse a fait état de modifications qui, dès le mois de janvier, devraient être introduites dans la nouvelle grille de France Culture. Ces modifications semblent prendre en compte, quoique très partiellement encore, certaines des critiques qui ont été émises par de très nombreux auditeurs, producteurs, réalisateurs et comédiens de la station. Le passé récent nous incite toutefois à attendre, pour nous prononcer, de vérifier que les faits correspondront aux déclarations d’intention et que les réajustements opérés ne sont pas des concessions mineures, destinées à faire illusion sans rien changer sur le fond.

Des questions décisives ont été soulevées par les auditeurs et par les personnels (notamment lors de la récente grève) : elles concernent la définition même de ce que doit être une radio culturelle publique. Elles demeurent à ce jour sans réponse. Il ne suffit pas d’invoquer, comme le fait Laure Adler, à longueur d’entretiens, un complot en fait imaginaire et une prétendue campagne de désinformation, pour en être quitte avec les critiques qui lui ont été adressées : les auditeurs ont pris connaissance des propos publics et sans ambiguïté de Jean-Marie Cavada, le président de Radio France, et écoutent encore France Culture. Le débat ne peut être clos aussi longtemps que des réponses n’auront pas été apportées par les responsables de la station aux questions suivantes :

 Faut-il soumettre à la logique de la concurrence (et, si oui, avec qui et pourquoi ?) une radio comme France Culture dont la spécificité doit précisément beaucoup au fait qu’elle n’a pas été mise en concurrence avec les radios commerciales existantes ? Autrement dit, faut-il ou non soumettre France Culture à la logique de l’audience alors que cette radio a une originalité qui est irréductible à un taux d’écoute instantané, les sondages mesurant les audiences rassemblées par les programmes pour les publicitaires et non la qualité culturelle des émissions diffusées ?

 Faut-il, pour assurer le renouvellement de l’audience de la station dont parle sa directrice, Laure Adler, et dont tout le monde reconnaît la nécessité, renoncer à satisfaire un public dont la fidélité est fondée sur des exigences de qualité qui devraient être renforcées, et non pas abandonnées ? Ou bien s’agit-il, sous couvert de « rajeunissement » et de « modernité », de faire de France Culture une chaîne généraliste comme une autre ? Peut-on accepter que le directeur qu’une telle radio, quels que soient ses mérites personnels, puisse décider souverainement de l’avenir d’une station qui est le produit d’une lente et patiente création collective ?

 Faut-il entériner le cumul des fonctions et la confusion des rôles qui conduisent à demander à des journalistes de la presse écrite d’exercer le métier de producteur auquel ils ne sont pas préparés et d’occuper l’antenne aux heures de grande écoute pour faire de France Culture le simple appendice parlé de leurs journaux ?

 Faut-il poursuivre, à France Culture, la politique de recrutement de notables de la presse (qui sont déjà largement présents dans les autres médias), au détriment des producteurs de la chaîne, relégués à des heures de faibles écoute ou précarisés quand ils ne sont pas brutalement mis à l’écart alors qu’ils possèdent la compétence pour exercer le métier original de médiateur culturel qu’ils ont inventé ? Ou faut-il, au contraire, comme nous le souhaitons, accorder enfin à ces derniers un statut qui les protège contre des décisions arbitraires de la direction de la station ? Et, dans le même esprit, faut-il ou non assurer à la fiction radiophonique les moyens de se développer et donner, à cette fin, des garanties durables aux réalisateurs et aux comédiens ?

Laure Adler nous a invité publiquement, dans un entretien qu’elle a accordé au journal Libération, à venir discuter avec elle. C’est donc publiquement que nous lui posons ces questions et que nous lui proposons même d’en débattre sur l’antenne de France Culture avec nous, mais aussi avec tous ceux - auditeurs, producteurs, comédiens - qui sont attachés à cette radio. A côté de tant d’autres débats, celui-ci permettrait d’ouvrir une véritable discussion sur le contenu des programmes et aurait au moins le mérite, pensons-nous, de soulever des problèmes cruciaux qui, au delà de cette radio, concernent plus généralement la place et le rôle de l’audiovisuel public.

Le collectif d’animation de l’Acrimed

 
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