Accueil > Critiques > (...) > 2002 : Guerre contre les territoires palestiniens

Explications et commentaires (2)

D’élégants commentaires

(Adler, Sinclair, Taguieff, Val, BHL..)

(9 avril 2002, actualisations : 14 et 16 avril)

Alexandre Adler, conseiller éditorial de Jean-Marie Colombani, tire la leçon du "choix" de Sharon qu’aurait effectué Arafat… Dans La rumeur du monde (France Culture, 6 avril 2002), Jean-Marie Colombani et Alexandre Adler reçoivent Boutros Boutros-Ghali. Si Colombani abrite ses certitudes derrière des clauses de style (nombre de phrases commencent par "On a l’impression que"), Alexandre Adler, dont les déclarations occupent l’essentiel de l’émission, assène :

"Seul Dieu peut mettre un terme à la carrière politique d’Arafat, pas les hommes. Je souhaite qu’il vive assez pour qu’on puisse lui présenter la note. Il n’y a jamais un mot de solidarité [du quai d’Orsay] de solidarité avec Israël."

Et pas un mot d’Alexandre Adler sur l’intervention de Dieu en faveur de Sharon (et sur la note qu’ "on" pourrait lui présenter)…

Anne Sinclair, dans la déclaration à l’AFP (dépêche du 8 avril 2002, 17h18), où elle s’insurgeait contre la prétendue partialité des images, nous invite à un effort de compréhension à sens unique qui ne dit pas un mot des souffrances du peuple palestinien :

"Je ne justifie en rien la politique de Sharon pas adaptée et pas productrice de paix, poursuit-elle, mais il faut comprendre l’état d’esprit des Juifs vivants en Israël et de ceux qui ont la famille là-bas". "Ici, poursuit-elle, on parle en abondance d’insécurité". "Là-bas, affirme-t-elle, à chaque moment dans un bus, café, restaurant, on risque d’exploser. Chaque famille en Israël compte un mort par attentat aveugle. Ils ne peuvent plus supporter cela. Je voudrais bien voir les Français face à un tel terrorisme aveugle. Il y a longtemps que leurs limites seraient atteintes".

"Donc aujourd’hui, poursuit-elle, le peuple israélien, même s’il n’a pas voté Sharon, même s’il n’est pas favorable à Sharon, se retrouve à soutenir une opération pour essayer d’éradiquer le terrorisme". Elle condamne par ailleurs les incidents "détestables", "lamentables" dus à des "voyous", qui s’en sont pris à des journalistes dans la manifestation et ont blessé un policier à l’arme blanche. Toutefois ces incidents ne devraient "pas occulter ce mouvement ample et très digne". "Souvent, la sensibilité de la communauté juive était exacerbée à tort, là, elle est exacerbée à raison", conclut-elle.

Pierre-André Taguieff, incomparable, nous explique doctement pourquoi l’effort de compréhension et de compassion doit être réservé aux israéliens. Interrogé par Le Figaro Magazine (6 avril 2002), Pierre-André Taguieff explique :

"Nos médias, dans leur ensemble, me paraissent imprégnés par cet antisionisme radical dans le traitement du conflit au Proche-Orient […] Une des hypothèses critiques de mon livre, qui me vaut pas mal d’attaques voire des amalgames scandaleux, porte sur les interférences de la gauche antiraciste, en particulier l’extrême-gauche dite antifasciste, et certaines formes de judéophobie à base d’antisionisme frénétique ou d’islamisme fanatique."

On ne notera la distinction scientifique entre "amalgames scandaleux" (dont serait victime notre rigoureux analyste) et les "interférences" avérées (dont notre analyste rigoureux est l’inventeur).

Philippe Val, disciple le moins amalgamé de Pierre-André Taguieff, dans l’éditorial qu’il consacre au Proche-Orient (dans Charlie Hebdo du 3 avril 2002), nous livre les sobres réflexions suivantes :

"Aujourd’hui, la totalité de la presse et des médias français soutient Arafat, un peu comme on a soutenu José Bové quand il défendait le roquefort. Arafat est un de ces éléments grâce auxquels perdure un système basé sur la consommation d’idées rapides ", comme on dit "restauration rapide". Sharon et Arafat sont deux rouages complémentaires de la machine qui fabrique la peur sur laquelle se fonde la servitude volontaire des peuples. Si Sharon est coupable de se laisser entraîner à l’irréparable, Arafat est coupable d’avoir voulu et prémédité cette stratégie. J’ai l’intuition que ces deux types de dirigeants sont les ennemis de l’humanité." (avec PLPL, souligné par nous).

On attend que les journalistes et chroniqueurs de Charlie Hebdo fassent jouer la clause de conscience…

Bernard-Henri Lévy, de retour d’Afghanistan est repris par "l’actualité proche-orientale et le terrible vent de folie qu’elle fait souffler sur les esprits". Que faire contre le vent ? S’abriter derrière la pensée de BHL-Moi-Je : "Je suis de ceux" (bis), "Je me sens proche" (ter). Et écouter cette confidence : "Cela étant dit, ce n’est pas là-bas, mais ici, que je suis et j’entends, ici, à Paris, des choses qui, depuis mon retour, me semblent intolérables et folles".

Le Je parisien de Bernard-Henri Lévy trouve " intolérables ", entre autres, les déclarations (qu’il déforme à plaisir) de José Bové et de José Saramengo, la "béatification d’Arafat", "cette hystérie sémantique et politique qui hitlérise Sharon, sharonise Israël, transforme l’armée israélienne en une armée fasciste visant les civils comme tels."

Pas un mot pour déclarer "intolérable" la colonisation de la Palestine depuis des décennies...

"Je", quand il se sent proche, n’appréhende la situation que du point de vue de certains israéliens, sans dire un mot, sur le point de vue des Palestiniens (ou de certains d’entre eux). Cela donne :

"Je me sens proche, en d’autres termes, de ceux, et ils sont nombreux, qui, en Israël même, estiment qu’il n’y a pas d’autre issue à la tragédie que de démanteler les implantations, évacuer la Cisjordanie et Gaza, se libérer du fardeau politique et moral que représentent ces territoires - je me sens proche de ceux qui, là-bas, se sont résolus à cette "séparation unilatérale" qui permettrait, avec l’accord ou non des Palestiniens, d’arrêter les combats, de dégager l’espace pour un État palestinien viable et d’assurer la sécurité d’Israël."

Ce qui est intolérable, c’est l’occupation des territoires palestiniens, d’abord pour les Palestiniens eux-mêmes. Mais se situant exclusivement du point de vue de "nombreux" israéliens, BHL les soutient quand ils veulent "se libérer du fardeau politique et moral que représentent ces territoires".

Car ce qui est "intolérable" pour BHL-Moi-Je ce n’est pas la que la politique d’Israël soit responsable depuis des décennies de l’occupation de la Palestine, mais ceci :

"Intolérable, quoi que l’on pense de la politique de Sharon et même si, comme moi, on la désapprouve, la béatification d’un Arafat dont tout le monde a l’air d’oublier l’écrasante responsabilité dans ce refus du plan Clinton-Barak et, donc, dans la perpétuation du malheur de son peuple."

BHL "désapprouve" la politique de Sharon et condamne "l’écrasante responsabilité d’Arafat". Qu’en termes joliment asymétriques, ces choses-là sont dites ! C’est du Colombani devenu philosophe...

Et c’est dans Le Point du 12 avril, page 138.

Documentation : Acrimed et PLPL

 
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