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Critique des médias sur le web (janvier-février 2012)

par Franz Peultier,

N° 18 de notre sélection bimestrielle d’articles de critique des médias parus sur le Web et disponibles gratuitement. Présentation thématique des articles publiés en janvier, février 2011 et début mars.

« C’est joli la campagne », disait Jean-Paul Belmondo dans « À bout de souffle » et cette fois ça y est, pour la trente-sixième fois depuis le mois de novembre, celle-ci est lancée. C’est pourquoi la campagne des médias est au cœur de cette sélection : campagne sexiste, campagne d’expertises, campagne politique, éditocratique et sondagière…

Campagne sexiste…

 Charlie Hebdo, l’imposture féministe (Les mots sont importants, 09/02) – « Il est à noter que les deux tiers des contributions sont françaises et parmi celles-ci, pas une seule n’émane d’une femme racisée. Les seules ayant voix au chapitre sur la question du féminisme et de ses avancées en France sont blanches. Cela peut paraître sans importance mais on verra qu’il n’en est rien. »

 La femme, et le photographe bien outillé (Arrêt sur images, 08/03) – « À l’occasion du 8 mars, Libération rend hommage au travail de six femmes photographes. Une interprétation multifacettes de la fierté et de la beauté à travers le monde », peut-on lire à la une de ce dossier spécial publié dans le Libé du jour. Alors certes, c’est la Journée internationale de la Femme. Certes, on nous montre des zeuvres d’éminentes photographes. Mais leurs travaux sont encadrés par des réclames pour une crème de soin et le tout baigne dans la couleur rose parce que c’est bien connu, les filles elles aiment trop le rose.

… voire raciste

 A quand une femme noire en couverture de "Elle" ? (LeMonde.fr, 31/01) - "C’est le magazine Elle qui nous l’apprend : en matière de mode, en 2012, "la ‘black-geoisie’ a intégré tous les codes blancs..". D’ailleurs, "le chic est devenu une option plausible pour une communauté jusque là arrimée à ses codes streetwear." Eh oui, tandis que durant des décennies les Noirs se sont habillés comme des "cailleras" à capuche, ils ont enfin compris, grâce à l’enseignement des Blancs, qu’il convenait de faire plus attention à leur apparence."

 Les Noirs et la mode : une obsession pour "Elle" (Respectmag.com, 02/02) – « Ce que Sylvia Jorif, chef des infos au service mode, qualifie de « maladresse » n’est pas une première pour le magazine. Comme le souligne l’humoriste Souria Adèle dans son spectacle Marie-Thérèse Barnabé Négresse de France, en 1999, « Elle » publiait déjà un article garni en clichés intitulé « Le nouveau Black Power ». « D’où leur vient cette passion pour la belle sape ? » interrogeait Sylvia Jorif à propos du look des "Black People ».

 « Rite sacrificiel maghrébin » ou de l’incompétence journalistique (Al-Kanz, 01/03) – « Nous découvrons à la faveur d’un tweet qui nous a été adressé par @FrDesouche himself deux perles dans le Villefranchois-sur-Rouergue, une feuille de chou qui a nécessité l’abattage de plusieurs arbres et la déforestation d’une partie de la planète, tout cela à des fins mercantiles. Si seulement c’était du journalisme, qualitatif. Passons. Dans cette feuille de chou donc, on apprend qu’un abattoir du Rouergue procède à, tenez-vous bien, l’abattage selon le « rite sacrificiel maghrébin ». On tue à l’Arabe quoi ! »

Campagne d’expertises

 Les voleurs de débat : François Lenglet (site du journal Fakir, 29/02) – « David Pujadas, - - [le présentateur de "Des paroles et des actes"], ne convie jamais le rédacteur d’un canard syndical, de la Nouvelle Vie ouvrière (CGT) par exemple, pour intervenir. Voilà qui manquerait d’objectivité. Cette émission compte, en revanche, une séquence « Économie ». Et c’est tout naturellement le directeur de la rédaction de BFM Business, la radio des affaires, qui l’anime. »

 Décrypter, c’est tromper (Culture visuelle, 29/02) - "Le journaliste moderne n’analyse pas, ne commente pas, n’explique pas. Il décrypte. Les sites d’information tels que liberation.fr, lefigaro.fr, nouvelobs.com, lepoint.fr, mediapart.fr,atlantico.fr, ou plus généralement Google News regorgent en effet d’articles de décryptage. La presse papier n’est pas en reste. L’exercice est parfois systématisé comme dans les différentes rubriques éponymes du journal Le Monde : Décryptages Rencontre, Décryptages Débats, etc., sans oublier le tautologique (?) Décryptages Analyses."

La campagne : qui est-elle ? Quels sont ses réseaux ?

 Dans le secret de la face cachée des magazines (Libération.fr, 01/03) - « Au total, on est plus proche des deux unes marketing sur cinq. « C’est pas parce que c’est un marronnier que c’est inintéressant en soi : les gens sont pas si bêtes, s’ils achètent, c’est que ça les intéresse », insiste Joffrin, qui considère que « les articles sur les marronniers sont des marronniers eux-mêmes ». « Les couvertures marketing, ça fait ricaner la presse quotidienne, lui fait écho Franz-Olivier Giesbert (FOG), le directeur du Point. Mais ça reste du journalisme : on a d’excellents spécialistes. D’ailleurs, elles sont attendues par les lecteurs, d’où leur récurrence. »

- L’"hebdomator", générateur de marronniers (Ecrans.fr, 01/03) - Pour compléter l’article ci-dessus (somme toute peu intéressant), Ecrans.fr, le site de Libération consacré aux médias, a mis au point un petit outil drolatique : l’hebdomator. Cliquez, et celui-ci génère automatiquement un titre qui pourrait figurer en couverture de L’Express, du Point ou du Nouvel Observateur. Exemples : "Comment la droite manipule les candidats", "Hôpitaux : comment profiter de la crise" ou encore "Prière de rue : comment elle a ruiné la France". Il y a de quoi s’amuser pendant cinq bonnes minutes.

Campagne politique (quand même)

 Ces journalistes qui se voient déjà à l’Elysée (LeSoir.be, 09/03) – « Dans le car qui balade les journalistes du Hollande Tour, mes confrères parisiens se voient déjà à l’Elysée. C’est inquiétant. Mais ça se passe comme ça en France : vous suivez un candidat 16 heures sur 24 pendant quatre mois. Ça crée des liens : il connaît votre prénom, son entourage vous a à la bonne et votre rond de serviette est réservé en cas de victoire. Votre rédaction ne risque pas de ruiner ce capital. Alors, pendant la campagne, Hollande devient votre poulain. Dès lors, comment ne pas tenter de le vendre dans vos articles et vos reportages ? Car s’il gagne (et en ce moment il est très bien placé), il vous entraîne dans son sillage. »

- Le JDD de Sarkozy (02/03) – « Nicolas Sarkozy considère que le JDD c’est un peu son journal. Il a une relation unique, très spécifique, avec ce canard. A Neuilly hier, comme à l’Élysée aujourd’hui, il le lit de la première à la dernière ligne chaque dimanche matin depuis plus de trente ans ». Ce propos de Franck Louvrier, le chef communicant du président de la République a le mérite de la clarté. Il résume ce que beaucoup savent, mais ne disent pas, à l’intérieur de cette grosse rédaction à l’encadrement pléthorique d’un quotidien qui ne paraît qu’une fois par semaine. »

 Propaganda (Vive le feu ! 17/01) – « Et d’ailleurs - et pour mieux soigner cette pulsion : Le Monde nous suggère aussi, dans son édition d’aujourd’hui, et par le biais d’un article sis non loin (du tout) de celui de Patrick Jarreau, de méditer (à la fin de nous en inspirer) la médication (un rien amère, mais tellement performante) qui « a permis aux Danois de retrouver le AAA ». Ce procédé - cela vaut ici d’être rappelé - n’a rien de neuf : c’est (au contraire) de (très) longue date, que la presse dominante nous vend, comme autant de panacées, et en garantissant à chaque fois qu’ils nous soigneront de nos pathologies collectivistes, des élixirs scandinaves dont (toujours) elle néglige de mentionner les effets secondaires. »

Campagne éditocratique

 La complainte du parvenu (Piratage(s), 28/02) – « De dominé, il a atteint les cimes des dominants. En a totalement épousé les causes. Poussant la coquetterie jusqu’à endosser (quand cela l’arrange) les oripeaux de gueux que l’on racise pour un accent. Qui en ce qui le concerne, se situe au sud de la Loire dans l’hexagone. J. M. Aphatie est un journaliste parisien, mâle, blanc, quinqua qui officie sur un groupe de médias transnational, Bertelsmann. Qui ne se préoccupe de stigmatisation qu’au moment où l’on pointe son inflexion langagière. »

 RIP. Le journalisme politique en état de mort clinique (Blog de Seb Musset, 09/03) – « Ils étaient à la mode en 2007. Et même en 2005, quand les Français étaient pour le "non" au référendum sur le traité européen, les éditocrates, eux, sont restés, jusqu’à la dernière ligne droite, incontournables et VRP du oui. Aujourd’hui, les éditocrates seraient plus alternatifs. Les commentateurs, éditorialistes et rédac’chef ne jurent plus que par les "plateaux de télévision et de radio" (le nouveau format du café du commerce, mais version club privilège), multipliant les tribunes sur tout et n’importe quoi, du halal à l’autolib. Entre toutes ces apparitions médiatiques à ressasser du matin au soir les mêmes analyses, c’est à se demander quand ils trouvent le temps d’écrire dans les journaux dont ils sont les colonnes publicitaires ? »

Campagne sondagière

 Les sondages dans la tête (Les blogs du Diplo, 28 /02) - "Comment le quotidien Le Monde, longtemps rétif à la publication des sondages, peut-il aujourd’hui en publier autant ? Les plaintes de lecteurs critiquant la grande inégalité de traitement des candidats à l’élection présidentielle viennent de susciter une édifiante réponse : les sondages dans la tête (« Presse de campagne », Le Monde, 25 février 2012)."

Campagne de relooking

 T’as vu Hollande avec ces gros lourds de Pujadas et Saint-Cricq ? (Liberation.fr, 28/01) – « Pour ces « réjouissances » annoncées par Pujadas, c’est Nathalie Saint-Cricq, journaliste de la Deux qui s’y colle. Elle a le nez rouge. Merde alors, pourquoi on ne dirait pas qu’elle a le nez rouge, Saint-Cricq, vu que, pas loin de 20 assommantes minutes durant, elle va nous bassiner avec le gras de Hollande ? Tant pis pour lui qui a dit, plus tôt, sa « pudeur » ; l’avait qu’à pas être candidat. »

Campagnes conniventes

 Le Nouvel Observateur encense un portrait du milliardaire Bernard Arnault coréalisé par un employé du milliardaire Bernard Arnault (Tout va bien, 30/01) - "Dans le supplément "Ciné Télé" du Nouvel Observateur daté du 26 janvier 2012 Nicole Pénicaut consacre une page à rendre compte d’un portrait du milliardaire Bernard Arnault co-écrit et co-réalisé par Guillaume Durand qui anime une émission sur Radio Classique, la radio du milliardaire Bernard Arnault."

 Les art(iste)s ménagers de France Inter : Audrey Pulvar (Tout va bien, 16/01) – Une liste de ménages effectués (prestations de journalistes qui animent, contre rémunération, des manifestations organisées par des institutions ou des entreprises privés) par la journaliste de France Inter Audrey Pulvar.

Diverses campagnes


 La fausse exclu du Magazine Littéraire (LExpress.fr, 06/03) – « Le Magazine littéraire, dirigé par Joseph Macé-Scaron, annonce une "rencontre exclusive" avec Haruki Murakami, alors qu’il ne s’agit que d’une traduction d’un entretien publié par le Guardian. »

 Le Figaro, les académiciens et les montres (Arrêt sur images, 09/03) – « Une "manipulation" du Figaro dénoncée par... l’Académie française ! Le supplément chic du quotidien, So Figaro, présentait hier une mise en page savamment orchestrée : le lustre de l’Académie face au luxe des montres. Mais les Académiciens n’étaient visiblement pas au courant de ce voisinage publicitaire. »

 
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