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Bernard Pivot, attaché de presse

Voici ce qu’Alain Rollat nous offrait de lire sous le titre " La cause des livres ", dans Le Monde du 1er février 2000. Cela mérite bien une citation intégrale.

La cause des livres...



<< " Tous les moyens sont bons, écriviez-vous dans Les Mains sales, quand ils sont efficaces. " Pourquoi, alors, de votre vivant, cher "philosophe du siècle", avez-vous été si condescendant avec la télévision ? Pourquoi, au faîte de votre notoriété, cher Jean-Paul Sartre, avez-vous été si chiche avec Bernard Pivot ? Certes, vous étiez déjà aveugle, et fort mal en point, quand fut diffusée, en 1975, la première d’ " Apostrophes ". Cela ne vous empêchait pourtant pas de prodiguer encore quelques faveurs à la radio...

Certains de vos disciples prétendent que vous gardiez rancune à ce freluquet d’avoir, à l’époque où il chroniquait dans les colonnes du Figaro littéraire, égratigné votre " petit Castor ". Sans doute méritait-il un séjour au purgatoire. S’il réécrivait aujourd’hui que votre chère Simone de Beauvoir était " une vraie femme de lettres... pour courrier du cœur ", les Chiennes de garde seraient promptes à réclamer sa tête à Michèle Cotta. II se dit aussi, plus sérieusement, que, à vos yeux, l’univers de la critique littéraire ressemblait trop à un funérarium pour vous donner l’envie de paraître en son temple télévisuel après avoir ironisé sur les recueils de pensées mortes dont " il ne reste que les petits cercueils qu’on range sur des planches, le long des murs, comme les urnes d’un colombarium ".

Mais que resterait-il de votre littérature, et de celle des autres, en dehors des bibliothèques et de France Culture, si Bernard Pivot et deux ou trois autres ne s’acharnaient pas à veiller sur ces urnes jusqu’à des heures de plus en plus tardives ? Souffrez qu’on vous le dise ici comme on l’a pensé, vendredi soir, en voyant ce pauvre Bernard Pivot obligé de recourir à des archives privées pour ajouter à son menu quelques images montrant votre pensée à l’œuvre dans la complicité d’écriture qui l’unissait à celle de votre " petit Castor " chéri : votre parti pris soixante-huitard contre la télévision des années 60-70 a failli se retourner contre votre œuvre ! Sans Bernard Pivot, moins rancunier que vous, vous n’auriez jamais connu cet extraordinaire moment de jouissance posthume que vous avez sûrement éprouvé au spectacle de ce passionnant " Bouillon de culture " préparé à votre gloire. Oseriez-vous nier que si quelqu’un a bien servi la cause des livres vivants, depuis vingt-cinq ans, c’est bien lui ? Le nouveau commandeur de vos croyants, le converti Bernard-Henri Lévy, dit que vous vous flattiez d’être, à la façon de Descartes, un " penseur à explosions ". Admettez donc enfin, n’en déplaise à Simone, que Bernard Pivot aura été, lui, un formidable allumeur de mèches. >>

... ou celle de certains critiques ?

Régulièrement, Alain Rollat couronne les têtes couronnées de la Télévision : Patrick Poivre d’Arvor, Jean-Marie Cavada, Michel Field, notamment ont déjà bénéficié de ses exercices de style qui tiennent lieu de critiques de la télévision. C’est parfaitement son droit. L’éloge de Bernard Pivot s’inscrit dans ce dur labeur iconoclaste. Mais la bienveillance subversive d’Alain Rollat a pour contrepartie le mépris pour l’œuvre de Sartre qui transparaît dans telle citation abusive des Mains sales et dans le ton nécrologique de son billet. A chacun ses motifs d’admiration.

L’essentiel est dans la conviction affichée que des œuvres non seulement ne peuvent atteindre leurs lecteurs mais surtout n’existent que par la grâce de la critique littéraire. En l’absence de document télévisuel dédié à leur auteur, elles resteraient, pour leur postérité, enfermées dans des cercueils : " que resterait-il de votre littérature, et de celle des autres, en dehors des bibliothèques et de France Culture, si Bernard Pivot et deux ou trois autres ne s’acharnaient pas à veiller sur ces urnes jusqu’à des heures de plus en plus tardives ? ".

Où l’on voit - non sans noter qu’ Alain Rollat classe France Culture, où il officie régulièrement, parmi les cimetières... - que les ordonnateurs de la critique sont à peine moins importants que ceux dont ils parlent...

 
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