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Attentats : l’autosatisfaction épique

L’information en direct, c’est l’autosatisfaction en direct. Quand les responsables des chaîne de télévision ne s’en chargent pas eux-mêmes, ce sont les autre médias qui leurs tressent des lauriers : l’audimat des attentats et la mobilisation des rédactions dispensent de tout examen critique.

Les chiffres du soulagement

Audimat et chiffres de vente records. Ce qui nous vaut ce titre du Figaro économie (13/09/2001, p. XII) : « Les grands médias plébiscités », et ce commentaire :
« Comme aux plus grandes heures de leur histoire, la presse et la télévision ont été largement plébiscités par le public (…) Ce qui, en dépit des critiques que l’on porte régulièrement sur les médias et leur prétendue mauvaise image, prouve que les Français leur accordent, dans des circonstances dramatiques, leur confiance ».

(Première publication : 13-09-2001)

Mobilisation générale

Les médias ne se bornent pas à évaluer leur contribution à la compréhension des événements, en la mesurant par leurs chiffres d’audience et de vente. Ils nous proposent, en guise de regard critique, les récits épiques de leur mobilisation générale.

 Un pour tous : Le Monde Télévision. Ce supplément (semaine du 17 au 23 septembre 2001), nous annonce, en titre à la « une » : « Les télévisions face à l’horreur ». Et en titre de page intérieure : « Les télés au coeur de la tragédie ». Trois pages de narrations et de descriptions de l’activité des rédactions et de l’organisation des programmes. Libération, plus sobre, ne consacre qu’une page à l’épopée : « Les médias enchaînent les nuits blanches" » (15-16 septembre 2001, p. 23)

 Tout en un : Le Monde. Le quotidien de référence nous informe jour après jour de l’état des ventes et de l’audience. Mais il dispose de surcroît d’un médiateur - Robert Solé - qui dans sa chronique du 15 septembre 2001 nous offre le récit enthousiaste de l’activité de la rédaction du journal.

Bref, des reportages - qui ne sont pas totalement dénués d’intérêt - sur le travail des journalistes. Mais pas un mot sur la nature et le contenu de l’information diffusée.

(Première publication : 15-09-2001, sous le titre « L’autosatisfaction épique »)


Dans le Magazine Télérama du 22 au 28 septembre 2001, deux « grandes enquêtes » : la première sur la mobilisation générale à la télévision (p.90-95), le second sur la mobilisation générale dans toutes les radios (p.182-183).

(Première publication : 05-10-2001)

Une télé impeccable

TéléObsCinéma (supplément du Nouvel Observateur) du 22-28 septembre 2001. Dans l’éditorial de Richard Cannavo (page 3), on peut lire cet éloge dithyrambique :

« Avec une prudence qui l’honore et, globalement, une sobriété remarquable, la télévision aura pleinement rempli sa fonction au cours de ces funestes journées. En informant minute par minute et en n’occultant aucun de ses aspects, elle aura fait prendre conscience au monde entier de la démesure de la tragédie. »

Prudence, sobriété, exhaustivité : la perfection....

(Première publication : 21-09-2001)

Le Monde s’interroge...

Le Monde Télévision (semaine du 24 au 30 septembre) s’interroge. Titre à la « Une » : « Questions sur les images des attentats. Les reportages envoyés par les chaînes américaines et diffusés en France ont-ils été censurés par les autorités ou filtrés par les médias eux-mêmes ? ». De quelles images s’agit-il ? Des images de cadavres ? Est-ce vraiment la forme de censure la plus importante à détecter ?

(Première publication : 23-09-2001)

TF1 contre la censure... américaine

L’article du Monde Télévision (semaine du 24 au 30 septembre, p. 6) - intitulé « Polémique autour de la "censure" des images » -,(reprenant une information parue dans Le Monde du 19 septembre) nous apprend que Robert Namias, directeur de l’information de TF1, privé des images les plus spectaculaire, s’est indigné d’ « une volonté délibérée de ne pas montrer la réalité de la catastrophe humaine et nous avons été victimes d’un filtrage qu’on peut appeler censure ». On comprend mieux alors quelle libération ce fut pour Jean-Pierre Pernaud, de pouvoir monter (enfin !) au journal de 13 heures du 17 septembre 2001des images de blessés interviewés sur leur lit d’hôpital.

(Première publication : 06-10-2001)

Enfin une critique...

« Voyant les présentateurs de TF1 et de France 2, accourus à New York six jours après les attentats, multiplier les reportages compassionnels, on ne pouvait se défaire d’une étrange impression de déjà-vu. Dix ans après la guerre du Golfe, alors que les journalistes assurent en choeur avoir "tiré les leçons" des désormais mythiques dérapages des médias, on craint de voir les mêmes travers se reproduire, comme une fatalité. Reprise sans distance des informations américaines, écrasement de l’explicatif par l’émotionnel, projecteurs occidentaux braqués quasi exclusivement sur le camp occidental, éditions spéciales étirées en longueur, prolifération des experts à l’expertise douteuse. »

On doit cette critique - enfin ! - à Daniel Schneidermann (Le Monde Télévision du 24-30 septembre, sous le titre "Sainte Wall Street"). Une critique que l’on ne peut qu’approuver, à une réserve près : pourquoi dire que l’on craint... ce qui, manifestement, s’est déjà produit ?

(Première publication : 24-09-2001)

Une étrange omission

La Guerre du Golfe est le point de comparaison obligé de toutes les analyses :

 « Dix ans après la guerre du Golfe, alors que les journalistes assurent en choeur avoir "tiré les leçons" des désormais mythiques dérapages des médias, on craint de voir les mêmes travers se reproduire, comme une fatalité », souligne Daniel Schneidermann.

 Sous le titre « Encore un effort ».- Jacques Planey, dans Charlie-Hebdo du 26 septembre 2001, écrit : « Un constat après le choc du 11 septembre : ce que nous offrent les médias a une autre gueule que ce qu’ils nous offraient lors de la guerre du Golfe. »

 Télérama (22-28 septembre), interroge Daniel Bougnoux : «  Pensez-vous, que dans le traitement de cet événement, les médias ait tiré les leçons de la guerre du Golfe ? » Daniel Bougnoux répond, à juste titre : « D’une façon générale, je crois que les médias sont plutôt amnésiques (...). ».

Certains critiques aussi. La Guerre du Kosovo ? Oubliée...Il faut dire que les médias avaient jugés eux-mêmes qu’ils avaient été "exemplaires"....

(Première publication : 04-10-2001)

Lire la suite : « Des attentats à la guerre : florilège d’autocongratulations »

 
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