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Actualité des médias : propriétaires de médias et GAFA à la manœuvre, promotion médiatique de l’islamophobie...

par Benjamin Lagues, Jérémie Fabre,

Nous poursuivons notre série mensuelle avec cette vingt-neuvième édition, revenant sur l’actualité des médias des mois de juillet, août et septembre 2019 [1] .

Du côté des journalistes, des éditocrates et de leurs œuvres


- La police empêche à nouveau les journalistes de travailler – Début juillet, des militants écologistes occupent le siège français d’Amazon. Les journalistes qui souhaitaient couvrir cet événement n’ont pas pu le faire. Pourquoi ? Parce qu’ils sont journalistes. C’est en tout cas le témoignage que certains d’entre eux ont livré à France info : « J’ai d’abord cru qu’ils établissaient un périmètre de sécurité, mais ils laissaient circuler les autres passants sans même mener de contrôle d’identité, s’étonne encore Rémy Buisine. C’est là qu’on a compris qu’ils ne nous laissaient pas passer précisément parce que nous sommes journalistes. On n’a jamais vu ça ! » Un épisode supplémentaire à ajouter à la longue liste des obstructions policières au travail des journalistes, représentatif d’un quinquennat autoritaire envers les médias...

- Recyclage généralisé de politiques dans les médias – Pour la rentrée 2019, les téléspectateurs et téléspectatrices de BFM-TV, C8 et France 2 sont gâtés. Quatre politiques vont en effet venir les éclairer de leurs lumières. Sur la chaîne d’information en continu, l’ancienne conseillère en communication de Jean-Luc Mélenchon en 2017, Sophia Chikirou, va devenir chroniqueuse. Elle participera régulièrement, pendant l’émission de Ruth Elkrief, à un débat avec Alain Duhamel.

Sur C8, une des chaînes du groupe Canal+ appartenant à Vincent Bolloré via le groupe Vivendi, l’ex porte-parole des Républicains Laurence Sailliet est devenue éditorialiste et chroniqueuse dans l’émission de Cyril Hanouna « Balance ton post ». De même que Raquel Garrido, ex porte-parole de la France insoumise.

Enfin, le service public s’honore en invitant l’ex-premier ministre Jean-Pierre Raffarin, récemment retiré de la vie politique, à devenir chroniqueur de la nouvelle émission de Laurent Delahousse, selon une information de Challenges. Pour distinguer le service public du privé, ce petit nouveau sera accompagné par Alain Duhamel – encore lui – éditocrate multicartes depuis les années 1960.

- Vincent Bolloré continue de démolir Canal+ – D’après le média en ligne Les Jours, entre 500 et 700 salariés du groupe, soit au moins 18 % de ses effectifs en France, seraient visés par un nouveau plan de départs volontaires. Il s’agit du plan social le plus important depuis la reprise en main autoritaire de Canal+ par le milliardaire Vincent Bolloré en 2015 [2]. La situation est telle que, d’après Les Jours, « harassées par quatre ans de Bolloré, beaucoup de salariés se disent "presque soulagés" de pouvoir partir. Avec les coupes dans les programmes certains sont d’ores et déjà au chômage technique : "On n’est plus fiers, on n’est plus rien." Suffirait que les conditions de départs soient avantageuses pour que le plan social soit un vrai succès… » Est-il besoin de commenter ?

- Sud Ouest va supprimer 132 postes – D’après France Bleu, le groupe de presse régionale Sud Ouest va supprimer 132 postes dont 20 de journalistes et va fermer son bureau local à Angoulême. Le groupe est en difficultés économiques en raison d’une baisse continue de la diffusion de ses titres depuis 2014 et un précédent plan de départs volontaires...

- Facebook anéantit l’audience d’une partie de la gauche radicale – D’après Mediapart, « plusieurs collectifs qui administrent des pages Facebook font état depuis quelques jours de la chute libre du nombre de vues sur leurs publications. » La raison invoquée par Facebook : « Si leur visibilité a été réduite, c’est parce qu’elles ont publié un ou des contenus contrevenant aux standards de la Communauté », le règlement interne du réseau social. Un exemple de plus de la dépendance parfois malsaine des médias envers Facebook, capable de prendre des décisions unilatérales sans avoir à les expliquer.

- Mondadori perd 200 journalistes d’un coup – Racheté par Reworld Media cet été, le groupe Mondadori (Auto Plus, Top Santé, Closer, Télé Star, le Chasseur français, Science & Vie…) traverse désormais une difficulté inédite : 75 % de ses effectifs viennent de démissionner. Ces quelques 200 journalistes ont fait jouer leur clause de cession, échaudés par les méthodes du nouveau propriétaire Rewold Media, qualifié par exemple de « cauchemar de l’avenir du journalisme » par Arrêt sur images.

- Promotion médiatique de l’islamophobie – Samedi 28 septembre, la chaîne d’information en continu LCI, qui appartient au groupe TF1 (dont le principal actionnaire est le groupe Bouygues), s’est illustrée par son sérieux journalistique. Ce samedi, donc, la chaîne a décidé de diffuser en intégralité et en direct un discours d’Éric Zemmour prononcé lors de la « Convention de la droite », un raout qui rassemblait les partis et mouvances d’extrême-droite. Or, durant ce discours, M. Zemmour « s’en est pris notamment aux immigrés "colonisateurs" et à "l’islamisation de la rue" » relate Le Parisien. Un discours explicitement islamophobe, à qui LCI a donc donné une vitrine médiatique. En réaction, la société des journalistes de LCI a déclaré, le lendemain, qu’elle « se désolidarise de la décision de notre direction de diffuser en direct et en intégralité un discours d’Éric Zemmour. » La direction de la chaîne, elle, s’est contentée de regretter… un mauvais « format » ! Selon des propos relatés par Le Monde, la direction de LCI a déclaré que « le discours sans contradiction ne s’inscrit pas dans les formats de LCI. Le format de LCI, c’est le débat, dans des formats longs, avec des points de vue opposés et contradictoires. Hier, il y a bien eu contradiction et déconstruction des propos d’Éric Zemmour, mais c’était après-coup. La diffusion du discours en l’état n’était pas le format approprié pour notre chaîne. » Pire : au Parisien, Fabien Namias, patron de la chaîne, a déclaré qu’il était « convaincu qu’il faut entendre toutes les idées quelles qu’elles soient même si elles nous déplaisent. » Selon LCI, l’islamophobie est donc une « idée » comme une autre. Une considération que LCI n’est pas seule à porter puisque, selon le site Les Jours, Éric Zemmour est en passe d’être recruté par CNews pour une émission quotidienne d’une heure, du lundi au jeudi.


Du côté des entreprises médiatiques et de leurs propriétaires


- Nicolas Beytout, directeur de publication de L’Opinion, pratique fréquemment les ménages – Visiblement, l’argent des milliardaires qui renflouent régulièrement le journal L’Opinion ne suffit pas. Son directeur, Nicolas Beytout, pratique donc régulièrement des prestations de services auprès d’entreprises. Par exemple, selon Arrêt sur images, M. Beytout « [donne] des conférences, [anime] des assemblées générales et [modère] des tables rondes d’entreprises et de fédérations d’entreprises. » Or, et tout le problème est là, « certaines de ces prestations sont rémunérées […] et concernent des entreprises ou des secteurs d’activité régulièrement traités dans les colonnes de L’Opinion - nourrissant ainsi les soupçons de conflit d’intérêt. »

- En marche vers la précarité généralisée dans l’audiovisuel public – Des journalistes qui travaillent à Radio France et pour Radio France mais ne sont pas salariés de l’entreprise. C’est l’innovation promue par l’actuelle direction de la radio, tenue par Sibyle Veil, sa PDG. Selon le syndicat SNJ-CGT, à l’occasion de la généralisation des matinales filmées sur France Bleu, « France Télévisions et Radio France ont décidé d’embaucher entre 60 et 80 "éditeurs visuels". Ces éditeurs visuels seront détenteurs de la carte de presse. Mais, pour éviter de les embaucher, ces deux entreprises de l’audiovisuel public préfèrent opter pour de la sous-traitance. » Un choix qui s’explique par la volonté de pouvoir licencier plus simplement : « La direction de Radio France le reconnaît, la sous-traitance a également pour but de pouvoir débaucher facilement et sans contrainte, en cas d’arrêt des matinales radio-télévisées » explique ainsi le SNJ-CGT.

Autre nouveauté : les salariés de l’émission Télématin seront dorénavant employés par France Télévisions Studios, une filiale du groupe France Télévisions. Une évolution dictée par le moins-disant social : « Une centaine de collaborateurs de l’émission ont accepté un changement de statut, de salaire ou de droits, selon France Télévisions. Vingt à trente ont négocié leur départ. [...] Certains ont accepté au passage une perte de salaire de 30 %. D’autres se sont vus signifier la fin de leur contrat au 30 septembre. Les réalisateurs qui accompagnaient les journalistes sur toute la planète pour façonner des reportages aux images léchées ont été remerciés. L’équipe recrute désormais sur place des cameramen étrangers » relate Challenges. Ces pratiques inspirées du management privé le plus brutal et qui ne peuvent que dégrader la qualité du service public audiovisuel trouvent leur origine, entre autres, dans la grande précarité budgétaire que lui inflige le gouvernement actuel. Les médias audiovisuels publics font face à une nouvelle baisse de budget pour 2020. Ainsi, d’après Les Échos, « la dotation en faveur de ces entreprises va diminuer de 70 millions d’euros dans le projet de loi de finances, pour un total de 3,79 milliards d’euros. Soit une baisse deux fois plus importante que celle enregistrée en 2019. »

- À Europe 1, les dirigeants passent et la radio continue de plonger – Arnaud Lagardère, propriétaire d’Europe 1 via le groupe Lagardère, poursuit la valse des dirigeants de la radio. C’est maintenant Laurent Guimier, nommé en 2018 vice-PDG de la radio, qui part. Le Monde rappelle que ce départ n’en est qu’un de plus, sur fond de baisse drastique des audiences : « Le départ de Laurent Guimier fait suite à celui de Nikos Aliagas, qui avait annoncé à la mi-juin qu’il arrêterait de présenter la matinale d’Europe 1 à la fin de cette saison. [...] Europe 1 [est] tombée à un nouveau plus-bas historique avec 5,9 % d’audience cumulée sur la période janvier-mars [2019] (contre 9 % il y a sept ans). »

- Libération perd de l’argent mais son propriétaire, Patrick Drahi, en gagne – Rappelez-vous, c’était en 2014 : Libération avait alors été « sauvé par Patrick Drahi » selon un titre du Figaro. Cinq ans et des dizaines de départs plus tard, la situation est loin des horizons radieux promis à l’époque par un Laurent Joffrin enthousiaste. Ainsi, Mediapart affirme que « Patrick Drahi aggrave ainsi les pertes comptables de Libé. » Comment ? En facturant des services au journal ! Ainsi, toujours selon Mediapart, « Le groupe de Patrick Drahi, au travers de sa filiale SFR Presse qui détient Libération, a prélevé 1,8 million d’euros au quotidien l’an dernier en lui facturant divers "services"… dont la "restructuration" de l’entreprise de presse. » Une méthode évidemment préjudiciable pour les comptes de Libération mais très profitable pour Patrick Drahi : « Cette facturation de "services" par la maison mère aboutit d’abord à enrichir un peu Patrick Drahi, propriétaire en son nom propre du siège du groupe et ensuite à dégrader un peu plus le bilan et le résultat de la société Libération. »

- Mediapart change sa structure – Pour protéger son indépendance, le journal Mediapart a fait évoluer sa structure. « Mediapart sera possédé intégralement par une société à but non lucratif, elle-même détenue par un fonds de dotation, les deux supervisés par une association » explique Arrêt sur images. Ce changement a été motivé par une crainte que résume ainsi Arrêt sur images : « Que se passe-t-il si l’un des actionnaires [les cofondateurs François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel et Marie-Hélène Smiejan, la Société des salariés, la Société des Amis, François Vitrani et Laurent Chemla et les entreprises Doxa et Ecofinance] décide de vendre ses parts, ou si, à la mort d’un des fondateurs, ses héritiers se désintéressent complètement de l’aventure Mediapart ? » Pour répondre à cette crainte, dans un article consacré à ce changement structurel, Mediapart explique ainsi que « le Fonds pour une presse libre (FPL), créé par l’Association pour le droit de savoir (ADS), détiendra via la Société pour la protection de l’indépendance de Mediapart (SPIM) 100 % du capital de Mediapart. Ce capital sera statutairement sanctuarisé, ni cessible ni achetable. »

- Le groupe L’Opinion rachète l’Agefi – D’après Boursier.com, Bey Médias, l’éditeur du quotidien patronal L’Opinion, a racheté à la holding presse du milliardaire François Pinault le magazine économique en ligne L’Agefi. Si, dans un entretien donné à Stratégies, la direction de L’Opinion se félicite « de la perspective de travailler avec les équipes d’un titre aussi référent dans son domaine que L’Agefi », on peut aussi y voir la volonté de donner au groupe, en déficit chronique et porté à bout de bras par quelques-unes des plus grandes fortunes du pays, un semblant de sérieux.

- Niel s’impose face à Safa pour le rachat de Nice Matin Avant l’été, nous évoquions le conflit opposant les milliardaires Iskandar Safa (Valeurs actuelles) et Xavier Niel (Groupe Le Monde) pour le rachat du quotidien régional Nice Matin [3]. C’est finalement bien Xavier Niel qui a remporté la mise début août, lorsqu’Iskandar Safa a fait savoir qu’il jetait l’éponge en raison d’intenses divisions internes au sein de Nice Matin. D’après Offremedia, « Xavier Niel devrait devenir actionnaire majoritaire de Nice-Matin d’ici 2020. » Hasard du calendrier, des élections municipales très disputées à Nice auront lieu en mars 2020. Nul doute que la soudaine philanthropie de Xavier Niel pour la presse niçoise saura se rendre utile au parti de son grand ami Emmanuel Macron.

- BFM-TV épinglé pour ses pratiques d’évasion fiscale – D’après une enquête du Média, la chaîne d’information en continue BFM-TV ferait transiter une partie importante de ses bénéfices par des paradis fiscaux tels que Jersey ou le Luxembourg. Une pratique qui daterait de 2009 mais aurait continué après le rachat de la chaîne par le milliardaire Patrick Drahi en 2015. Dans une interview donnée à Télérama début juillet, le PDG du groupe SFR (qui possède BFM-TV) Alain Weill préfère parler « d’optimisation fiscale » plutôt que de fraude, et n’exclut pas d’attaquer Le Média en justice.

- Free et Altice (BFM-TV) trouvent un accord – Nouvelle étape dans le conflit qui oppose fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et groupes de médias. Selon Le Monde, « le CSA a finalement tranché en faveur de Free et rejeté les demandes de la maison mère de SFR d’enjoindre l’opérateur (...) à "accepter leur offre commerciale", estimant que ce dernier est en droit de "librement refuser de reprendre les chaînes BFM-TV, RMC Découverte et RMC Story et leurs services associés" ». Cette décision est un énième épisode de la guerre entre les deux types d’acteurs que sont les FAI et les groupes de médias : « Les deux camps sont à couteaux tirés depuis le 20 mars, date à laquelle l’accord de diffusion signé entre les deux groupes il y a plusieurs années est arrivé à son terme. Altice souhaitait profiter du renouvellement du contrat pour en revoir les termes et faire payer à Free un montant de cinq à six millions d’euros pour l’accès à ses chaînes et à leurs services ajoutés, tels que la télévision de rattrapage, se calquant sur le modèle des accords déjà conclus entre Free et les groupes TF1 et M6, ou entre Altice et les opérateurs Bouygues Telecom et SFR. » Le CSA a proposé une médiation pour réconcilier les deux acteurs (Free et Altice), médiation qui n’a pas abouti. Résultat : « Les abonné·es de Free devront se passer de BFM-TV, RMC Découverte et RMC Story. » Les directions des deux entreprises ont cependant annoncé que les discussions se poursuivaient. Finalement, le 10 septembre, Free et Altice « sont parvenus à un accord pour la reprise de la diffusion de ces chaînes via les Freebox [...] À l’image de l’accord signé vendredi entre Orange et Altice, celui conclu avec Iliad [maison-mère de Free] ne concerne que la diffusion du signal linéaire, c’est-à-dire en temps réel, des trois chaînes » relate Le Point. Les services supplémentaires types replay ne sont donc pas inclus dans cet accord.

- Le CSA pourrait déconseiller « TPMP » aux moins de 12 ans – Selon Le Monde, « l’émission quotidienne de Cyril Hanouna sur C8 "Touche pas à mon poste" devra être programmée en fin de soirée si elle diffuse à nouveau des "séquences inadaptées au jeune public" comme une "blague" de Jean-Marie Bigard sur un viol en février, a menacé le CSA vendredi 2 août. » Une menace beaucoup plus que symbolique puisque, toujours d’après Le Monde, « une classification en "programme déconseillé aux moins de 12 ans" empêcherait l’émission d’être diffusée avant 22 heures, provoquant potentiellement une chute drastique des revenus publicitaires pour cette « locomotive » de la chaîne C8. »

- Psychodrame capitalistique au Groupe Le Monde – Nouveau coup de théâtre dans l’actionnariat du Groupe Le Monde : le millionnaire Matthieu Pigasse et le milliardaire Daniel Kretinsky ont annoncé cet été leur intention de bientôt contrôler 60 % du capital, contre seulement 40 % pour l’autre copropriétaire, le milliardaire Xavier Niel. Cette brusque montée au capital des deux premiers aurait été due à la cession des 20 % de parts que l’éditeur espagnol Prisa détient toujours dans la holding Le Monde libre, qui possède elle-même la majorité des parts du Monde SA. D’après Le Figaro, ces changements d’actionnariat n’auraient cependant pas affecté les droits de vote en raison du statut particulier de société en commandite du Monde libre. Néanmoins, la perspective d’un possible remplacement soudain de Matthieu Pigasse par Daniel Kretinsky, un homme d’affaire réputé sans scrupule, a soulevé l’indignation d’une grande partie des salariés du Groupe Le Monde. D’un côté, les salariés du groupe ont invoqué la promesse des actionnaires de signer un droit d’agrément qui laisserait un droit de veto au « Pôle d’indépendance » du groupe en cas de changement d’actionnaire. Quant à Matthieu Pigasse, il entendait user de son droit de propriété, c’est-à-dire de vendre à qui il le souhaite, au prix qu’il souhaite (un exemple au hasard : à Daniel Kretinsky). Niel et Pigasse ont finalement signé ce droit d’agrément et comptent se partager équitablement les parts de Prisa. Enfin, ils réfléchiraient même à un placement du Groupe Le Monde dans une structure de type fondation, réputée moins perméable aux coups de force des actionnaires. Reste à savoir comment réagira Daniel Kretinsky, qui pourrait avoir le sentiment de s’être fait rouler…

- France Télévisions averti par le CSA pour la diffusion d’une photo retouchée – En décembre dernier, le JT de France 3 avait diffusé la photo d’une manifestation de gilets jaunes à Paris en censurant la pancarte d’un manifestant (passant de « Macron dégage » à « Macron » tout court) [4]. Le CSA a réagi neuf mois plus tard en mettant en demeure France Télévisions : « La diffusion d’une photographie ainsi modifiée, altérant sa signification dans un contexte particulièrement sensible [constitue] un manquement à l’exigence d’honnêteté de l’information [...] et un manquement à l’obligation de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information ».

- Google refuse de payer les éditeurs de presse en France – Une loi pour rien. La directive européenne sur le droit d’auteur, adoptée par le Parlement européen le 26 mars 2019 et transposée dans le droit français le 23 juillet de la même année n’aura finalement servi à rien. Son lobbying acharné au niveau européen n’ayant pas porté ses fruits, Google a décidé d’agir en France, premier pays européen à avoir transposé dans la loi la directive. Ainsi, selon Le Monde, Google « a annoncé, mercredi 25 septembre, qu’il changeait les règles d’affichage de ses services : par défaut, les pages ne montreront désormais plus d’extraits d’articles ou de photos miniatures [pour lesquels Google, selon la directive européenne, devait rémunérer les titres de presse cités], mais seulement les titres et les liens (adresse URL), sauf si les éditeurs donnent leur autorisation. » Autrement dit, malgré la nouvelle loi française, les médias français ne bénéficieront d’aucun revenu de la part de Google. Mais que les médias français se rassurent, le ministre de la Culture Franck Riester est monté au créneau : toujours selon Le Monde, il a « fait passer un message très fort sur la nécessité de bâtir, avec les éditeurs et les agences de presse, des partenariats gagnant-gagnant. » Pour enchaîner avec cet aveu déconcertant de naïveté : « La réponse qu’il m’a apportée [...] est une fin de non-recevoir. C’est inacceptable. » C’est tout ? C’est tout.


Du côté des publications sur les médias


Note : cette rubrique ne constitue pas une sélection, mais recense les ouvrages parus dans le mois sur la question des médias, qu’il s’agisse de bonnes et de moins bonnes lectures.

- Collectif, Les grands articles qui ont fait l’histoire, Flammarion, août 2019, 368 p., 9 euros.

- Croizé (Jean-Paul), Giesbert, l’insoumis, Ovadia, août 2019, 12 euros.

- Le Diberder (Alain), La nouvelle économie de l’audiovisuel, La Découverte, septembre 2019, 128 p., 10 euros.

- Fall (Ngagne), Sénégal. La presse sous Macky Sall, démocratie en péril, L’Harmattan, juillet 2019, 108 p., 12,50 euros.

- Gauthier (Thierry), La Montagne : 100 ans, 100 unes, 100 plumes, De Borée, septembre 2019, 253 p., 29,95 euros.

- Huygue (François-Bernard), Fake news. La manipulation en 2019, VA Press, juillet 2019, 170 p., 16 euros.

- Jeanneney (Jean-Noël), Les grandes heures de la presse. Des premières gazettes à Charlie Hebdo, Flammarion, août 2019, 288 p., 8 euros.

- Jimenez (Aude), Survie d’une radio communautaire sénégalaise. Le cas de Manoore FM à Dakar, L’Harmattan, juillet 2019, 176 p., 19 euros.

- Le Temps des médias, L’attentat, du tyrannicide au terrorisme, Nouveau Monde, juillet 2019, 312 p., 25 euros.

- Matot (Bertrand), Petite anthologie des premières femmes journalistes, L’Eveilleur, septembre 2019, 232 p., 17 euros.

- Mombert (Sarah) et Saminadayar-Perrin (Corinne), Un mousquetaire du journalisme : Alexandre Dumas, Presses universitaires de Franche-Comté, juillet 2019, 250 p., 25 euros.

- Pierre (Sylvie), Jean-Christophe Averty : penser la télévision au XXème siècle, L’Harmattan, juillet 2019, 188 p., 19,50 euros.


Jérémie Fabre, et Benjamin Lagues, grâce au travail d’observation collective des adhérentes et adhérents d’Acrimed

 
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