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Accord Medef - syndicats minoritaires : les patrons de presse peuvent se frotter les mains (SNJ)

Dans la mesure où l’accord national Medef - syndicats minoritaires concerne, parmi d’autres, les salariés des médias, nous publions ci-dessous un communiqué du SNJ qui détaille et s’alarme de ses conséquences pour les journalistes. (Acrimed)

Le gouvernement a fait savoir son intention de « traduire avec fidélité », dans la loi, les dispositions de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, approuvé par le patronat et trois syndicats minoritaires : la CFDT, la CGC et la CFTC.

Pour le Syndicat national des journalistes, première organisation de la profession, cet « accord pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés » représente une régression sociale historique pour l’ensemble des salariés et un danger particulier pour les journalistes.

Notre profession se précarise, année après année. En témoignent les dernières statistiques de la Commission de la carte d’identité professionnelle des journalistes : en 2012, plus de 61 % des cartes accordées à des nouveaux entrants dans la profession l’ont été à des journalistes pigistes ou en CDD. Les journalistes sont touchés de plein fouet par la crise : tandis que les jeunes confrères peinent à entrer dans les rédactions et y entrent sous statut précaire, les patrons invitent les journalistes les plus âgés à prendre la porte de sortie, et la carrière de la majorité des actifs n’a jamais été aussi floue et sinueuse.

Dans ce contexte, aucune des mesures de cet accord du 11 janvier n’est susceptible d’enrayer un tant soit peu la précarité dans les entreprises de presse, ni même de sécuriser nos emplois. Bien au contraire.

Les « surtaxations » de cotisation patronale d’assurance chômage des CDD de moins de trois mois (excluant les saisonniers et les CDD de remplacement) sont bien trop légères pour être dissuasives et n’empêcheront pas les patrons de presse de continuer à recourir de manière croissante aux CDD, aux journalistes pigistes, aux intérimaires, voire, de façon illégale, aux auto-entrepreneurs.

Des employeurs pourront même désormais, dans certains cas, proposer des « contrats de projet » et des « contrats à durée indéterminée intermittents ».

Les « droits rechargeables » à l’assurance-chômage (pour l’instant théoriques), la participation de représentants de salariés au CA de grandes entreprises (plus de 5000 salariés) ou l’encadrement de la durée minimale des temps partiels, seules rares avancées de cet accord, ne contrebalancent pas les reculs considérables qui affecteront tous les salariés et la profession.

Car c’est bien la flexibilité de l’emploi des salariés et la sécurisation juridique des employeurs que consacre ce texte poursuivant la destruction du Code du travail et entérinant un nouveau recul de la hiérarchie des normes : des accords d’entreprise moins disants que la loi seront sans recours pour le salarié.

Ainsi, un accord d’entreprise majoritaire (d’une durée de deux ans maximum) pourra permettre de baisser les salaires au motif de maintenir les emplois. La seule possibilité pour le salarié qui refuserait de se voir appliquer ces mesures, sera alors de subir sans recours possible un « licenciement économique », tandis que l’employeur sera « exonéré des obligations légales qui auraient résulté d’un licenciement collectif pour motif économique ». Le chantage patronal à l’emploi pour faire accepter des reculs sociaux et/ou salariaux ne devrait pas manquer de s’accentuer,… tout lui en offrant, en sus, une nouvelle et indirecte opportunité de dégraisser.

De même, dans le cadre de licenciement collectif pour motif économique (10 salariés et plus sur 30 jours), dans les entreprises de plus de cinquante salariés, la validation du contenu du PSE sera désormais déterminée soit par un accord collectif, soit par une validation administrative du texte de l’employeur dans un délai de trois semaines. L’une ou l’autre ce ces validations annihilant le contrôle judiciaire. Ces licenciements collectifs seront ainsi facilités, le recours à l’expertise du CHSCT est quant à lui balisé et contingenté, les délais de recours juridiques réduits,…

Toujours dans le domaine juridique, le refus de mobilité interne de certains salariés pourra entraîner leur « licenciement pour motif personnel » ; les délais de prescription des recours seront eux aussi réduits (de 5 à 2 ans pour un litige relatif au contrat de travail, à 3 ans pour les rappels de salaires) ; et une barémisation des dommages-intérêts est établie, que proposeront désormais les prud’hommes en procédure de conciliation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Des barèmes très inférieurs à ce qu’a prévu jusqu’ici le législateur pour les journalistes dans le cadre de leur statut spécifique. Nul doute que ces dispositions seront un nouvel argument utilisé par les patrons de presse qui tentent inlassablement de remettre en cause ce statut.

En résumé : cet accord national facilite notamment les plans sociaux et les licenciements et réduit considérablement le contrôle du juge sur l’exécution et la rupture du contrat de travail. C’est une grave régression pour les droits des salariés en général, et du journaliste en particulier.

Pour le Syndicat national des journalistes, membre fondateur de l’Union syndicale Solidaires, cet accord, qui doit passer devant le Parlement au printemps, est une régression sociale historique qu’il s’emploiera à dénoncer et à combattre.

Paris, mercredi 16 janvier 2013

 
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