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A quoi sert un "médiateur" ? L’exemple de France Inter

La suppression subite, sur France Inter, de la chronique de Martin Winckler, " Odyssée ", qui ne ménageait pas les labos pharmaceutiques, importants annonceurs publicitaires de la station (cf. L’actualité des médias n°6), a suscité de nombreuses protestations. Le 14 septembre, le médiateur de Radio France, Philippe Labarde, revient à l’antenne sur cette affaire... et justifie la décision de la direction de France Inter. Le site de Martin Winckler publie une retranscription de cette émission. Extraits des propos de Philippe Labarde.

" Le contrat de Martin Winckler court jusqu’au 11 Juillet. Nous sommes le 27 juin, donc Martin Winckler pense que jusqu’au 11 Juillet, sa chronique va passer. Or le 4 Juillet il reçoit une lettre recommandée qui lui dit que la chronique du 4 Juillet sera la dernière, et qu’elle est terminée. Alors pourquoi est-ce qu’on ne le laisse pas aller jusqu’au 11 juillet ? J’ai discuté avec la direction qui m’a dit " on mettait en place la grille d’été, d’autres chroniques avaient été supprimées, on a décidé d’arrêter ça le 4, y’a rien là d’exceptionnel ni de scandaleux, c’est ainsi. "

Martin Winckler, lui, est déçu. Il est déçu, et il est amer, et surtout... il regrette surtout de ne pas pouvoir dire au revoir aux auditeurs. Et il va le faire. Il va dire au revoir aux auditeurs, par l’intermédiaire du net (la rubrique de son émission, " Odyssée ", sur le site Internet de France Inter - note d’Acrimed). Il publie une... une chronique qui s’appelle " Odyssée c’est fini "... (...) Cette initiative-là, euh... a surpris désagréablement la direction de l’antenne, euh... le ton aussi de la chronique, certaines formules, bref, la direction de l’antenne à ce moment là décide de ne plus permettre à Martin Winckler d’avoir accès au net.

Il s’en aperçoit, et... nous sommes le 7 Juillet, là, hein... Le soir du 7 juillet il adresse à la direction de France Inter un mail dans lequel il dit la chose suivante : " La page Odyssée n’est plus accessible sur le site de France Inter... ", il conclut : " S’il s’agit d’une erreur ou d’une bévue ce n’est pas grave, mais si le lien ne réapparaît pas mardi 8 dans la journée, je comprendrai qu’il s’agit là d’une censure pure et simple, et je crois que ça intéressera beaucoup d’organes de presse. " Euh... le ton monte, hein ?

(...) Le 7 juillet au matin, les auditeurs de France Inter, ben ils découvrent que la chronique de..., on ne leur a pas dit mais ils découvrent que le chronique de Martin Winckler... (...) a été supprimée, et ils entendent un disque de Serge Gainsbourg. Euh... on leur a mis de la musique. Pendant trois jours, cela se passait ainsi.

Et puis le 11 Juillet il y a un coup de tonnerre. A l’heure de la chronique de Martin Winckler, les auditeurs de France Inter écoutent un droit de réponse des Entreprises de Médicaments, regroupées au sein d’un organisme qui s’appelle le LEEM, un droit de réponse, donc, qui est annoncé comme tel, qui dénonce entre autres les attaques dont elle a fait l’objet sur l’antenne, sans citer Martin Winckler, mais en le citant sur leur site. (...)

Alors, qu’est-ce qu’on peut tirer comme leçon de cette affaire ? Parce que bon, voilà les faits. La première chose que je dirais c’est que c’était un dossier très difficile. Il était pas facile, vraiment, c’était, c’était... c’était délicat de gérer à la fois un droit de réponse, la suppression d’une chronique, au moment même où les laboratoires pharmaceutiques passaient des bull... des annonces publicitaires sur l’antenne. C’était quelque chose qu’il fallait diriger en doigté . Il fallait du doigté pour régler cette affaire. Euh... j’pense qu’on en a un peu manqué. Voilà. (...) La direction à mon avis a manqué de doigté et je pense que des, des... oh, des, des... y’a eu des... des maladresses de commises. Quant aux auditeurs, on peut quand même pas dire qu’ils aient été submergés par l’information, sur c’t’affaire, hein , on va dire ça comme ça. Euh... Ca c’est un peu fâcheux, c’est un dossier qu’il faudrait ouvrir, parce que le temps où on pouvait dire " circulez, y’a rien à voir ", euh... euh... ben c’est fini, quoi, quand même. (...)

Je voudrais maintenant m’adresser aux convaincus, ceux qui sont convaincus que Martin Winckler a vu sa tête coupée pour être offert aux laboratoires pharmaceutiques. Alors, ceux là je vais leur dire une chose, si vraiment c’était ça le but, alors la direction de France Inter s’y est vraiment pris comme un pied ! Parce qu’au fond, y’avait un deal simple à passer. Dès lors que vous pensez que la direction de France Inter est capable de ce cynisme, réfléchissons ensemble, y’avait un deal simple, j’vais vous le dire, le deal : je vous échange le retrait de votre droit de réponse contre le non-renouvellement de la chronique de Winckler. Winckler parle jusqu’en juillet, y’a pas de droit de réponse, y a pas de polémique.

Alors vous pouvez considérer que les dirigeants de France Inter sont des salopards, vous les considérez là en l’occurrence comme des salopards, des imbéciles c’est peut-être beaucoup. Enfin je voudrais dire un dernier mot qui me touche. Parce que accuser les gens, enfin... porter une accusation aussi grave que celle-là, c’est-à-dire de sacrifier un chroniqueur à un lobby, c’est pas de la... ça va plus loin que la polémique. Et c’est, c’est attenter à l’honneur des gens, à l’honneur professionnel et à l’honneur tout court. Les gens de cette direction, Hees et les autres en ont été très profondément blessés. Alors, euh... puisque ces gens qui écrivent cela sont des convaincus je vais leur donner moi, ma conviction : je connais cette maison, je connais... les gens qui font ce... qui la dirigent, et je vais vous dire simplement que ce n’est... cette démarche là, cette pratique, n’est ni dans leur moralité, ni dans leur culture. Voilà ma conviction. "

Lire tous les propos de Philippe Labarde diffusés à l’antenne.

 
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